jeudi, décembre 27, 2007

MISS FRANCE ET MONSIEUR SARKOZY

MISS FRANCE ET MONSIEUR SARKOZY


Elle s'appelle Valérie Bègue .Elle est originaire de La Réunion, ce sublime département français de l'Océan Indien. Elle a triomphé d'une lourde compétition. Elle a été sacrée Reine des françaises. La voilà hissée sur un piédestal chargée d'incarner la beauté française dans le monde entier. On imagine sa joie , sa fierté et celle de toute la population de sa région.
Et puis patatras, voici que l'on découvre qu'elle s'est laissée naguère photographiée nue ce qui choque la responsable de la compétition la très autoritaire madame de Fontenay qui ne songerait jamais à exhiber ses formes si ce n'est revêtue de son célèbre couvre-chef. Voilà notre Reine menacée d'être détrônée. Car une Reine de beauté doit faire rêver. Elle doit incarner la pureté, l'innocence même si l'on imagine que, pour en arriver là, elle a du affronter l'atmosphère souvent glauque de ces studios photos où errent des prédateurs avides de chair fraiche et de photos volées. Mais, l'essentiel est que cela ne se sache pas. On comprend la rigidité de Madame de Fontenay. Une Majesté ne doit jamais montrer les faiblesses de sa cuirasse. Elle doit convaincre qu'elle est autre. Le rêve collectif est à ce prix.
Il s »appelle Nicolas Sarkozy. Il est le Président de tous les Français élu haut la main après une compétition loyale et respectable. Le Président de la République est un véritable monarque républicain. Dans la conception française du pouvoir, il est au dessus et en dehors des autres. Les Chefs d'Etat n'en sont pas moins des êtres humains de chair et de sang. Ils ont leurs passions et leurs faiblesses L'essentiel est que le bon peuple n'en sache rien et continue d'imaginer que son Roi est d'une essence différente.
L'usage voulait donc que ses monarques fussent discrets sur leur vie privée. Ils pouvaient avoir compagnes et maitresses mais les citoyens devaient l'ignorer.
Arrive Nicolas Sarkozy qui décide de nous faire vivre en direct sa passion contrariée avec Cecilia puis sa liaison avec la sublime Carla Bruni. Un tel exhibitionnisme ne relève pas de l'accident. C'est de façon délibérée que le Président dévoile au grand jour sa vie privée. Il a compris que la société a changé et que dans la société de communication moderne le secret n'est plus possible. Mais l'attitude de Nicolas Sarkozy a une motivation plus profonde. Il souhaite désacraliser le pouvoir, le rendre plus accessible à chacun. Il souhaite donner l'image d'un Président qui mène une vie semblable à celle de ses compatriotes. Il se prive de la majesté de ses fonctions et s'expose sans réserve.
Miss France est une majesté à laquelle on reproche sa nudité. Nicolas Sarkozy abandonne son vêtement monarchique pour laisser percevoir sa nudité républicaine.
Charles Debbasch

lundi, décembre 24, 2007

LA CULTURE FRANCAISE EN QUESTION

LA CULTURE FRANCAISE EST-ELLE MORIBONDE ?

S’il fallait un exemple du repli hexagonal, le quasi silence qui a suivi la publication dans l’important magazine Times d’un article provocateur sur la mort de la culture française en constituerait une excellente illustration. Car, enfin, un pays qui se flatte d’être le berceau de la culture universelle ne peut être indifférent à un jugement même, exagéré ou partial, que porte sur lui l’extérieur.

Le constat dressé par l’auteur DON MORRISSON mérite d’être examiné. 727 nouveaux romans sont en librairie à la rentrée 2007, mais moins d'une douzaine sont traduits aux Etats-Unis chaque année. Près de 200 films sont produits chaque année dans l'Hexagone, mais près de 50 % des recettes du box-office reviennent au cinéma américain .La création musicale déserte Paris et le marché de l’art s’est enfui à l’étranger.Et pourtant le budget de la culture est un des plus importants au monde (1,5 % du PNB, contre 0,7 % en Allemagne, 0,5 % au Royaume-Uni, 0,3 % aux Etats-Unis). La culture est largement subventionnée par l'Etat, les régions ou les municipalités. Elle a peu de rayonnement hors des frontières.

Aucun auteur français ne se dégage du marais littéraire : où sont donc les Camus ou Malraux ? Les films français restent intimistes et confidentiels. La cote des peintres français reste faible. Qui connaît à l’étranger un autre chanteur français que Johny Halliday ? La génération des Trenet, Piaf ou Aznavour s’éteint sans descendance.

On peut trouver ce constat exagéré, il, n’en traduit pas moins une réalité incontestable. La culture française est en déclin. La France est en crise de création.

A l’image de la société française, la culture est bureaucratisée. Le pouvoir y appartient à une cohorte de fonctionnaires qui distribuent aides et subventions sans égard pour le marché. Des coteries se sont constituées dans les régions et à Paris dont l’art de capter les aides publiques est plus fort que les talents. Tout ce système s’est forgé ses codes de comportement et s’est arrogé le pouvoir de parler au nom d’une culture ésotérique et élitiste. Comme ces grands prêtres ne sont pas surs que le public épouse leurs choix ils ont forgé des barrières de protection. Supprimer une subvention relève du sacrilège et voit se dresser les signataires de manifestes.et si le malade ne veut pas ingurgiter les breuvages ainsi fabriqués, il faut les lui délivrer de force avec la politique des quotas qui est à la culture ce que le gavage est aux oies.

La politique vient à s’en mêler. Le bon adepte de la culture doit être de gauche à, peine d’être rejeté dans le royaume des oubliettes. Il doit éviter de déranger le conformisme idéologique Jusqu'à Soljenitsyne, un bon écrivain se devait d’approuver le marxisme et de considérer Moscou comme la partie des droits de l’homme.

La France a de beaux équipements publics mais elle en est aussi l’esclave. Elle parait préférer les contenants aux contenus. Les réalisations architecturales sont si nombreuses qu’elles absorbent une grande parie des crédits.

La société littéraire exclusivement parisienne est un concentré de copinages .Membres des comités de lectures, chroniqueurs, et producteurs de radios ou de télés inondent la production de livres qui sont à la littérature ce que le papier journal est au vélin.

Quant au public ; peu s’en préoccupent .Le succès populaire est presque un handicap et les auteurs à succès sont martyrisés par le fisc et s’évadent à l’étranger.

Mais le déclin de la culture française n’est que la traduction d’un déclin plus profond celui de la France elle-même. Le culte de la jouissance immédiate a remplacé la recherche de la perfection. Les hédonistes ont pris la place des créateurs.

La culture est une ascèse : la volonté de dépasser les miasmes du quotidien pour construire la planète des utopies, la recherche désintéressée pour grandir et magnifier l’espèce humaine, la confiance dans la jeunesse, la quête permanente de la vérité en abolissant les conformismes. On est loin des trente cinq heures et du cortège des égoïsmes. Le plus grand ennemi de la culture française c’est un matérialisme qui ne dit pas son nom, c’est le refus du libéralisme innovateur , c’est une bureaucratie paralysante qui emprisonne les volutes de l’esprit, les arabesques du savoir..


Voilà pourquoi le message délivré par le Times mérite d’être pris au sérieux.

Charles Debbasch

dimanche, décembre 16, 2007

EUROPE LE TRAITE DE LISBONNE

UNE NOUVELLE EUROPE

Le jeudi 13 décembre 2007, les dirigeants européens ont signé avec solennité le traité de Lisbonne. Ce document remplace la défunte constitution européenne, qui avait été rejetée par référendum en France et aux Pays-Bas il y a deux ans.

La méthode suivie à l’initiative du Chef de l’état français a été plus pragmatique et moins ambitieuse que la précédente. On ne parle plus de constitution, terme qui laissait penser à une intégration des Etats membres dans un ensemble unitaire. On se fixe des objectifs plus limités. Mais, le but poursuivi ne change pas. Comment accélérer l’intégration européenne ? Comment permettre une meilleure prise de décision ?

Car il est vrai qu’une Union à vingt sept membres ne pouvait plus se gouverner avec la lourde procédure de l’unanimité.

Désormais, sur un grand nombre de questions dont la coopération judiciaire et policière, l'éducation ou la politique économique., il suffira d'avoir 55% des États (donc 15 sur 27) qui représentent au moins 65% de l'ensemble de la population pour qu'une décision soit prise. C’est un progrès considérable. L'unanimité restera cependant la règle pour la politique étrangère, la sécurité sociale, la fiscalité et la culture.

Un Président du Conseil européen sera nommé pour deux ans et demi, renouvelable une fois.
Le haut représentant pour la politique étrangère-que l’on n’appellera pas ministre- présidera le Conseil des Affaires générales et des Relations extérieures. A partir de 2014, la Commission sera réduite. Le nombre de commissaires ne sera plus égal à celui des Etats membres. La Commission européenne comptera 18 commissaires (soit les deux tiers du nombre des Etats membres). Les Commissaires seront choisis sur un système de rotation égalitaire entre les Etats membres pour un mandat de 5 ans. Le nombre de parlementaires européens ne dépassera pas 750. Le nombre de députés par pays sera fixé par un système proportionnel dégressif avec un maximum de 96 et un minimum de 6 pour chaque pays.

Il faudra certes que ces dispositions soient ratifiées par les vingt- sept Etats membres pour entrer en vigueur. Mais, chacun a admis que ce serait la procédure parlementaire qui serait utilisée pour cette ratification et non le referendum populaire.

C’est déjà un aveu de faiblesse. L’Europe est perçue par les populations de l’Union plus comme une machine bureaucratique que comme une Nation expression d’un vouloir vivre collectif. Enfermée dans un jargon technocratique et dans des procédures complexes, elle reste difficilement intelligible pour la plupart des citoyens européens. Quant aux gouvernants des Etats membres, ils sont souvent tentés par un double jeu : solliciter l’aide de l’Europe pour disposer des moyens, blasphémer l’Europe pour se décharger de leurs responsabilités lorsque quelque chose va mal.

Certes Paris ne s’est pas fait en un jour. Mais, en faisant passer l’élargissement avant l’approfondissement, les stratèges de l’Europe ont crée les conditions d’une vulnérabilité de l’Union européenne devant de gros orages.

Le traité simplifié est néanmoins un grand pas dans la bonne voie.


Charles Debbasch

dimanche, décembre 09, 2007

EUROPE AFRIQUE LE SOMMET DE LISBONNE

EUROPE-AFRIQUE JE T’AIME MOI NON PLUS

Il aura fallu sept ans pour que, après Le Caire, s’organise ce second sommet Afrique Europe à Lisbonne. Les obstacles ont été nombreux sur la route et l’absence officielle de la Grande Bretagne en raison de l’invitation adressée à Robert Mugabe, le vieux dirigeant du Zimbawe, a failli faire encore capoter le sommet.

S’il a été maintenu c’est parce qu’il y a urgence: l’Europe prend peur devant l’irruption sur la scène africaine de nouveaux acteurs comme la Chine, le Brésil ou l’Inde sans oublier bien entendu les Etats-Unis Certes l’Europe reste le principal partenaire commercial de l'Afrique Mais, le grignotage de ses positions est très rapide. Aussi, l’Union européenne a adopté une politique audacieuse pour un nouveau partenariat avec l’Afrique.

En apparence ce Sommet est un succès. Les Etats présents ont adopté une déclaration politique affirmant le principe de "l'égalité dans la souveraineté", Huit priorités sont définies: la paix et la sécurité (le avec notamment le soutien aux opérations de maintien de la paix), la gouvernance et les droits de l'homme, le commerce, l’assouplissement des "objectifs du millénaire" (éducation, santé, ...), l'énergie, le changement climatique, le pôle "migration, mobilité et emploi" et la science. Un représentant spécial de l'Union Européenne auprès de l'Union africaine a été désigné pour veiller à l'application de la politique européenne en Afrique.

Mais, sous cet apparent consensus, une grave ligne de fracture est apparue.

Le soutien apporté par les Africains à Robert Mugabe démontre l’irritation de nombreux gouvernants devant les tentatives de l’Union européenne pour définir à la place des Africains des critères de la bonne gouvernance que beaucoup assimilent à une sorte de néo colonialisme.

Hier, la colonisation remettait les rênes du pouvoir aux puissances européennes. Aujourd’hui, l’Europe tendrait à exiger que les dirigeants africains appliquent les partitions définies par les Etats dominants. Une nouvelle génération de dirigeants africains ne se sent plus enchainée par la révérence à l’égard de la vérité européenne Les conditionnalités européennes apparaissent comme des résurgences du colonialisme et les populations africaines se rebellent devant ces immixtions dans leurs affaires.

Le débat s’est concentré à Lisbonne sur la grande mutation des relations commerciales que Bruxelles tente d’imposer à l’Afrique. Nombreux sont les dirigeants africains qui refusent de signer les accords commerciaux de libre échange que Bruxelles leur demande d’accepter avant le 31 décembre. Le risque est en effet que la libre entrée des produits européens ruine les productions locales et prive les Etats africains de recettes douanières qui leur sont nécessaires. Le forcing de l’administration européenne qui cherche à exercer des pressions sur chaque Etat plutôt que de tenter une approche globale avec l’Afrique parait ruiner l’objectif même de la réunion de Lisbonne. Là ou on espérait un dialogue d’égal à égal Europe Afrique, Bruxelles parait tentée par la stratégie du diviser pour régner.

Il y a donc quelques ombres dans le théâtre bien ordonné de Lisbonne.

Charles Debbasch

samedi, décembre 08, 2007

KHADAFI EN VISITE A PARIS

KHADAFI
A l’occasion de la visite à Paris le 10 novembre 2007du colonel Khadafi, je publie le portrait que j’ai dressé de lui dans mon livre (La succession d’Eyadema, L’Harmattan 2006)

Il fut un temps où Kadhafi était considéré par les occidentaux comme un diable. On lui attribuait des pouvoirs maléfiques. Il figurait au tableau d'horreur de l’Occident. Les sanctions de l’embargo étreignaient la Libye. Il était en quelque sorte infréquentable.
Puis, progressivement, les choses ont changé. Le pays a voulu sortir de son isolement et a fait des ouvertures diplomatiques. Avec l’âge et l’expérience, le fougueux cheval a modéré ses ardeurs et ses excommunications, et il a surtout tissé sa toile africaine. Patiemment, inlassablement, le leader libyen a reçu les leaders africains, les a aidés. Il s’en est fait des alliés.
Dans l’Afrique francophone, il a tiré parti de la réduction de l’influence française pour pousser ses pions. Les chefs d’Etat africains ont trouvé auprès de lui l’écoute qu’ils regrettaient de ne plus avoir à Paris.

Kadhafi s’est toujours trouvé à l’étroit dans ce pays trop peu peuplé pour peser sur la scène internationale. Il a d’abord lancé ses pions unitaires vers le Maghreb. Il convainquit même un temps Bourguiba de fusionner son Etat avec le sien. L’union éclata au bout de quarante huit heures. Avec l’Algérie et avec le Maroc, les intérêts géopolitiques se heurtaient trop fort pour conduire à autre chose que des alliances de façade. Voilà pourquoi, Kadhafi a souhaité insuffler l’élan unitaire à tout le continent africain.
Son projet de constituer des Etats-Unis d’Afrique ne rencontre au début qu’une indifférence amusée. Mais, c’est mal connaitre l’obstination du colonel libyen que de penser le voir renoncer. L’Organisation de l’Unité africaine végète lamentablement. Kadhafi va alors mener un puissant travail de conviction pour favoriser les ralliements à son projet d’Union africaine.

Il va remarquablement réussir. Son apothéose se déroule à Lomé en juin 2000. Les Chefs d’Etat scellent la mort de l’OUA et la remplacent par l’Union Africaine. C’est le triomphe du guide libyen qui franchit la frontière entre le Ghana et le Togo au milieu d’une foule en liesse qui voit débarquer une sorte de cirque avec ses immenses tentes, ses amazones l’arme au poing, étrange mélange de grâce féminine et de force masculine, et surtout Kadhafi heureux de se livrer à un bain de foule et imaginant peut être à ce moment là qu’il est devenu le maitre de toute l’Afrique. Il s’ensuivra huit jours de délire pendant lesquels le guide qui a négligé les suites de l’hôtel Sarakawa s’est installé sous une gigantesque tente dressée dans les jardins.
Ce n’est pas par hasard que le sommet de l’unité se tient à Lomé. Longtemps, les rapports entre les deux Présidents ont été distants. Deux personnalités aussi fortes ont du mal à cohabiter. Le proverbe dit bien qu’il n’ y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot. Les heurts s’expliquent aussi par des motifs plus politiques. Eyadema est le plus fidèle allié de la France en Afrique et il ne peut avaliser les menées subversives du Guide dans les anciennes possessions africaines. Quant à ce dernier, soucieux de prôner l’islamisme, il se méfie du protestant Eyadema qui invoque son Dieu à tout bout de champ.
Les montagnes finiront par se rencontrer et par nouer des liens d’amitié. Non pas, comme on le publie souvent, par la recherche par le Président togolais de l’argent de Kadhafi - Eyadema est trop fier pour devenir solliciteur. Mais parce que les deux chefs sont arrivés à une conscience commune : face à la mondialisation, l’Afrique ne peut s’en sortir que dans l’unité non pas contre l’Occident mais avec lui ou à tout le moins à coté de lui.
"Nous devons accepter la légalité internationale en dépit du fait qu'elle soit faussée et imposée par l'Amérique ou nous serons écrasés", estime le leader libyen.
« A l'avenir, la politique libyenne sera celle de l'Union africaine et par conséquent notre pays n'agira plus seul" sur la scène internationale, proclame le dirigeant libyen et il ajoute :
"Ceux qui accusent la Libye d'être un pays rebelle ne pourront plus défendre cette thèse…. »
"La Libye ne peut plus s'accrocher aux Arabes, étourdis par la mondialisation et par le processus de Barcelone et dont la Ligue, docile et inefficace, est incapable de rivaliser avec l'Union africaine".
"L'Afrique et non plus le pétrole est désormais l'espoir de la Libye", a-t-il dit.
La nouvelle donne de la politique libyenne a rapproché le pays de l’Europe. Romano Prodi président de la Commission de l’Union européenne est devenu un proche du Guide et cette proximité aidera le Togo à renouer des relations moins heurtées avec Bruxelles. Ce rapprochement de la Libye et du Togo induit de nombreuses visites togolaises au pays de Kadhafi.
Celui-ci adore recevoir et se distraire du quotidien national par l’irruption de l’international. C’est dans le désert à proximité de Syrte qu’il préfère accueillir ses hôtes. Sous la gigantesque et somptueuse tente verte décorée de rosaces dorées, il trône l’œil vif et malicieux lorsque son regard n’est pas voilé par des lunettes Ray Ban qui introduisent ici une touche d’américanisme incongru .Il est entouré par l’ambassadeur ministre Treki qui connaît tous les cadres dirigeants de l’Afrique comme s’il les avait faits. Son directeur de cabinet, Baschir Salaeh, exerce une influence discrète et efficace dans ce système de pouvoir fortement centralisé. Tard dans la nuit, les discussions se poursuivent autour d’un thé brulant qui suffit à peine à réchauffer des froidures du désert.

Kadhafi refait le monde. Avec perspicacité, il dresse un tableau réaliste de l’état de l’Afrique. Il écoute si avidement tous les détails que ses interlocuteurs viennent lui donner qu’il en devient savant en géopolitique et à lui seul son propre service de renseignement. Promu au rang des sages, il conseille, recommande plus qu’il ne commande mais, à chacun de mesurer les risques s’il ne suit pas ses avis.
Pendant cette difficile campagne de succession, il nous reçoit à Syrte et à Tripoli alors que nous vivons des remous et des tensions. Il prend d’abord contact avec chacun de nous, se fait expliquer le rôle de chacun. Il n’ignore d’ailleurs rien de nos activités et décoche à chacun une flèche d’humour. Il me regarde, plisse ses yeux et me dit : « On m’a signalé que vous avez été le professeur du Roi du Maroc, Mohammed VI. Aussi, dorénavant, je considérerai que chaque fois que le monarque mènera une action que je n’approuve pas, vous en serez responsable.» Puis, Kadhafi se fait expliquer la situation au Togo. Il interroge, confronte nos dires avec ceux des agences de presse puis livre son verdict.
« Les difficultés internationales que vous rencontrez ne sont pas étonnantes. Pensez combien de dirigeants ont du courber la tête devant la puissance et l’autorité d’Eyadema. Ils se sont tus devant lui mais n’en pensaient pas moins. Aujourd’hui qu’Eyadema a disparu, ils relèvent la tête. Vous devez mieux expliquer ce que vous faites. Personne ne le fera mieux que vous. Vous devez rester dans le cadre constitutionnel et le faire comprendre. Organisez des élections libres et transparentes dans les délais légaux et évitez toute confrontation directe avec le peuple ».
Et le leader libyen d’ajouter : «ce qui s’est passé au Togo ce n’est pas un coup d’état mais la mort d’un Président. La vie des Etats est un compromis entre les exigences de la stabilité et celles de la légitimité. Il y a des circonstances où la stabilité et la paix sont plus importantes que le processus constitutionnel. N’oublions pas les précédents du Niger après la mort de Mainassara, la Centrafrique ou la Guinée Bissau. Je vous affirme quant à moi ma disponibilité pour aider à tout ce qui peut apaiser les tensions»
Il a tôt fait d’adopter Faure Gnassingbé. Il déclarera même « Faure c’est mon fils. » adoubant ainsi le successeur d’Eyadema.
La nuit tombe sur Tripoli. Au dehors, sur le port, à côté des gros navires, des misérables tentent de rejoindre l’Italie sur des embarcations de fortune. Toute l’autorité de la police libyenne ne suffit pas à empêcher cette reptation à travers le désert, du sud au nord, des déshérités chassés par la misère et attirés par les mirages de l’occident. Des peuples entiers souffrent de mal être tandis que le fossé se creuse entre riches et pauvres avec la dégradation des termes de l’échange. L’émigration est une pulsion vitale qui fait préférer le risque au statut quo. Plutôt que d’attendre de voir leurs corps rongés par la misère, les candidats à l’émigration préfèrent risquer leur vie. L’Afrique unie doit faire entendre sa voix pour obtenir plus de justice et plus de progrès. C’est ce message que le guide libyen souhaite délivrer avec l’ardeur d’un prophète .
Les chevaux arabes sont secs et nerveux. Les cavaliers contiennent leurs forces pour les exalter dans de futurs assauts. Dans la profondeur de la nuit du désert, la nature parait s’être assoupie. Et, soudain le galop des chevaux martèle le sol dans une fanfare détonante. Kadhafi redresse la tête et sourit comme s’il trouvait une jouissance dans cette expression de puissance. Un instant, il peut rêver à une Libye déchainant ses capacités et rejoignant le sprint des vainqueurs.


Charles Debbasch

mardi, décembre 04, 2007

FRANCE ALGERIE QUELLE REPENTANCE?

FRANCE ALGERIE
HISTOIRE QUAND TU NOUS TIENS

L’actuelle visite de Nicolas Sarkozy en Algérie oblige les deux Etats amis à revisiter le passé. Ce n’est pas facile car chaque pays voit l’histoire au bout de sa lorgnette et les deux matériels ne sont pas compatibles.

La France fut une Nation colonisatrice en Algérie et ailleurs. Elle se croyait porteuse d’une mission civilisatrice et elle exportait dans ses « possessions » ses hommes, ses idées, ses modes de vie. A l’époque, la colonisation était considérée comme légitime et personne ne se préoccupait du degré d’adhésion des populations locales. En Algérie, plus qu’ailleurs l’assimilation fut poussée jusque à ses extrêmes. L’Algérie était un (puis des) département français intégrés dans la République.

Progressivement, une Nation algérienne s’est affirmée et a cherché à construire son Etat. La guerre vit s’opposer la volonté d’émancipation et l’exacerbation de l’assimilation en intégration. Comme toute guerre, celle-ci eut son cortège d’atrocités dont furent victimes des Algériens et des Français innocents.

Rien ne justifie la torture, le viol, la force brutale. Peu importent après tout le repentir ou les excuses. Ce qui est fondamental est que tous s’accordent à reconnaître le caractère illégitime des actes contraires au droit des gens qui furent commis.

Mais, les deux peuples ne doivent pas construire leur avenir dans un rétroviseur. Ce n’est pas en réveillant les fantômes du passé que l’on peut bâtir le socle d’une relation fructueuse.

Il appartient à la France et à l’Algérie de définir les axes d’une solide coopération culturelle, industrielle, commerciale pour enterrer définitivement les traumatismes et les aigreurs d’une histoire douloureuse.

Charles Debbasch