mardi, juin 16, 2009

LA MORT DU PRESIDENT BONGO ET LES NOUVEAUX REGIMES AFRICAINS

LA MORT DU PRESIDENT BONGO ET LES NOUVEAUX REGIMES POLITIQUES AFRICAINS

Les observateurs se sont interrogés. La mort du Président Bongo marque-t-elle la fin d’une époque ?

À l'évidence, depuis 41 ans, date du début des fonctions du président gabonais, le monde a changé. Les exigences populaires se sont modifiées. Les méthodes de gouvernement ont évolué. Les données économiques ne sont plus les mêmes.

Le contexte institutionnel s'est profondément modifié. Au lendemain des indépendances, des leaders charismatiques se sont installés au pouvoir. Leur popularité était telle qu’elle plaçait les institutions constitutionnelles au second plan. La personnalité du chef l'emportait sur la Constitution.

Les institutions étaient elles-mêmes de sang mélé. Elles combinaient en effet un texte constitutionnel proche des institutions de la Ve république française et une pratique politique basée sur le parti unique. Dans ces conditions, l'apparence du jeu institutionnel s'effaçait devant des réalités du pouvoir marquées par un présidentialisme sans contrepoids.

Le pouvoir du chef était également accru par l'absence de pluralisme dans l'information. Les organes d'information s'étaient développés sous le strict monopole de l'État. Rares et concentrés, ils se contentaient de refléter les vues du pouvoir et ils laissaient peu de place à la contestation ou à l'opposition. Les sociétés d'informations étaient strictement nationales. Les nouvelles de l'étranger parvenaient avec parcimonie et avec retard.

Sur le plan économique, les jeunes Etats africains étaient restés exclusivement liés avec la France. Leurs importations et leurs exportations étaient sous la stricte dépendance de l'ancien colonisateur.


Progressivement de profonds changements se sont installés qui ont favorisé la naissance de régimes politiques nouveaux.

Les nouveaux Etats africains sont marqués par trois types d'ouvertures.

0uverture politique tout d'abord. Le multipartisme s'est installé. La lutte pour la conquête du pouvoir politique est devenue plus vive. Le respect des droits de l'opposition s'est imposé. Il existe désormais des compétitions électorales disputées et ouvertes. Les organes du pouvoir ne sont plus monolithiques. Les droits et libertés des citoyens sont progressivement garantis. Les dirigeants n'ont plus tous les droits. Ils sont désormais soumis au respect de l'État de droit. Leur gestion est contrôlée et l’objectif de bonne gouvernance s’est imposé

Ouverture de l'information d'autre part. Les Etats africains font désormais partie de la société mondiale de l'information. La diversité et la mondialisation des organes d'information rendent désormais rendent désormais caduc le strict contrôle national des nouvelles. Avec l'extension des télévisions, le développement des radios mondiales, l'implantation progressive de l'Internet les nouvelles font le tour de la terre en quelques minutes. Le pouvoir a perdu le contrôle de l'information.

Ouverture économique enfin. Les grandes compagnies d'aviation, les grands groupes de navigations, les grandes sociétés multinationales situent leur action à l'échelle du monde. Il n'existe plus de chasses gardées. Un monde compétitif ouvert a remplacé le tête-à-tête avec l'ancien colonisateur. Les Etats africains y ont conquis une part nouvelle de liberté mais ils connaissent également les servitudes de la dépendance à l'égard des grands groupes mondiaux.

Devant ces transformations à facettes multiples, le pouvoir africain ne peut plus être ce qu'il était voilà quatre décennies. En ce sens, la mort du président Bongo est bien le signe de la fin d'une époque.

Ne commettons cependant pas d’anachronisme et ne jugeons pas les pouvoirs d’hier avec les yeux d’aujourd’hui ou ceux de demain.

Charles Debbasch