mardi, octobre 06, 2009

PAYER LA PRESENCE SCOLAIRE ?

PAYER LA PRESENCE SCOLAIRE ?
L’absentéisme scolaire est un fléau qui frappe plus particulièrement certains départements déshérités et certaines formations professionnelles. Pour le combattre le ministre de l’éducation nationale a lancé une expérimentation. Dans certaines classes une cagnotte sera attribuée à la classe dans son ensemble, alimentée ou réduite tout au long de l'année selon le comportement des élèves (présence, respect, travail....). 2000 euros au départ, jusqu'à 800 euros par mois ensuite, et un plafond de 10.000 euros in fine. L'argent collecté financera le passage du code de la route pour chacun.
Le ministre Luc Chatel estime qu'on «doit tout essayer». «Le gouvernement a engagé la guerre contre l'absentéisme et le décrochage scolaire. On fait des expérimentations et la cagnotte est une expérimentation». J'ai demandé au recteur (de l'académie de Créteil, ndlr) des garanties. 1: qu'il reçoive des représentants des parents d'élèves pour leur expliquer que le dispositif ne consiste pas à payer les élèves. 2: qu'il crée un comité de suivi chargé de contrôler cette expérimentation. A la fin on fera une évaluation et on verra.»
Malgré toutes ces précautions, l’idée de « payer »la présence des élèves a provoqué de vives controverses. Pour François Bayrou, ancien ministre de l’éducation, c’est «une histoire de dingue. Une dérive inacceptable, un incroyable déplacement des valeurs de nature à troubler encore un peu plus les repères des enfants…A l'école, l'argent ne devrait pas avoir droit de cité…Dès l'instant qu'un tel principe est accepté, on peut craindre qu'il ne soit généralisé. Les enfants diront: "Je ne viens pas parce que tu ne me donnes pas de thunes!".» Le socialiste Vincent Peillon a demandé que le ministère de l’Education intervienne «d’urgence» pour empêcher la mise en place de ces cagnottes, dénonçant «une mauvaise façon de faire qui ne correspond pas à nos valeurs». La ministre de l'Enseignement supérieur Valérie Pécresse s'est déclarée dimanche «très réservée». «L’assiduité, c'est le premier devoir d'un élève. Est-ce qu'il faut monnayer l'assiduité, est-ce qu'il faut payer un enfant, un adolescent, pour faire ce qu'il doit faire? Je crains qu'il puisse y avoir des dérives.»
On partagera cet avis. L’école est un service public de l’Etat financé à grands frais pour assurer une formation à tous les Français. Grâce aux fonds de l’Etat, l’école est gratuite. C’est un privilège pour des jeunes et leurs parents de disposer d’un système d’enseignement gratuit. Et voici qu’on voudrait en plus payer les élèves pour qu’ils acceptent d’aller à l’école. C’est une dérive insensée, une dénaturation de la notion même de l’enseignement.
L’absentéisme scolaire a des causes multiples. L’absence d’encadrement des enfants par les parents : faut-il encourager les familles à ne pas exercer leurs responsabilités ? La prolongation obligatoire de la scolarité dans des milieux sociaux qui n’en ressentent pas le besoin. L’inadaptation de certaines formations professionnelles trop scolaires et pas assez proches du monde de l’entreprise. On ne résoudra pas ces difficultés en payant la présence scolaire.

Charles Debbasch