lundi, mai 17, 2010

DU VIRTUEL AU REEL: A PROPOS DES APERITIFS GEANTS

DU VIRTUEL AU REEL : A PROPOS DES APERITIFS GEANTS
En ce temps là, les cafés fermaient les uns après les autres. Les taxes, la lutte contre l’alcool et l’interdiction du tabac avaient eu raison d’un maillage du territoire encore plus serré que celui des bureaux de poste.

C’en était fini des rencontres conviviales autour d’une consommation, de ces discussions sans fin au cours desquelles chacun récréait le monde. L’univers froid et aseptisé du fastfood les avait remplacés. Chacun était là trop occupé à absorber son surplus de graisse pour avoir le temps de discuter avec son voisin.les Français redevenaient sauvages.ils se croisaient mais ne se parlaient pas. Une barrière de timidité et d’égoïsme les avait séparés.

A vrai dire les cafés n’avaient pas seulement péri sous le coup de la réglementation. Le développement des étranges lucarnes télévisées avait incité les citoyens à faire spectacle à domicile. Le jour des grands événements sportifs la télévision pouvait être comparée à un aspirateur à foule. Les rues se vidaient et il n’était plus possible de détourner même les personnels des services d’urgence de la contemplation des coups de pieds gagnants.C’est dire qu’il restait peu de temps pour les conversations réelles.

D’autant que le développement d’internet, cette bibliothèque mondiale, avait fini de capter l’attention de ses clients qu’il était de plus en plus difficile de détourner de ce nouveau surf dans l’univers. On dit même que des associations de femmes et d’hommes dont le conjoint préférait rester braqué sur l’ordinateur plutôt que de se livrer aux joies de la procréation s’étaient constituées

Chassez pourtant le naturel il revient au galop.

Lassés d’être isolés de leurs semblables les citoyens cherchaient à connaître leurs mœurs comme s’ils découvraient de nouveaux Iroquois. Les chaînes avaient bien compris ce nouveau besoin. Elles multipliaient les émissions de télé réalité où on pouvait voir comment ces sauvages vivaient , s’éduquaient copulaient ou mouraient. Quant aux internautes, ils avaient trouvé un moyen d’aménager la virtualité en s’exprimant, en cherchant des contacts plus personnels sur la toile

Il restait un pas à franchir : se servir du virtuel pour passer au réel.

Des internautes avisés décidèrent de donner rendez vous à leurs semblables sur les places des villes et des villages. Chacun fut étonné du succès de ces convocations. Des dizaines de milliers de citoyens se précipitèrent à ces réunions fort conviviales où les inconnus se parlaient, devisaient, se découvraient.

Ces rassemblements géants inquiétèrent les pouvoirs publics qui cherchèrent à encadrer ces débordements spontanés. Is exigèrent de fixer des lieux contrôlés pour ces meetings, de réglementer les heures et les consommations autorisées. La SACEM s’en mêla exigeant des royalties pour les musiques diffusées. Le fisc montra ses dents pour assujettir cette nouvelle activité.

C’est ainsi qu’au bout de quelques mois naquirent les nouveaux cafés sur les décombres des rassemblements conviviaux.

Charles Debbasch