samedi, juin 13, 2009

INTERNET ENTRE LA LIBERTE ET LA PROTECTION DES AUTEURS

INTERNET : LE PRINCIPE DE LIBERTE
ET LA PROTECTION DES AUTEURS

Le Conseil constitutionnel a rendu le 10 juin 2009 une décision essentielle à propos de la loi qui crée la " Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet " (HADOPI). Cette loi confiait à cette haute autorité un pouvoir de sanction à l’égard des usagers qui téléchargent illégalement des œuvres protégées : elle pouvait couper l’accès à Internet. Le Conseil constitutionnel a censuré ce pouvoir de sanction.
En effet, la liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel. Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne. Or les articles 5 et 11 de la loi déférée confiaient à la commission de protection des droits de la HADOPI des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à Internet à des titulaires d'abonnement. Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement. Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge.

Cette décision fondamentale du Conseil Constitutionnel donne l’occasion de poser quelques principes juridiques fondamentaux relatifs à Internet.

LE PRINCIPE DE LIBERTE
Internet est aujourd’hui un des principaux vecteurs de la diffusion des informations, des œuvres de toutes natures. Le principe de la liberté de la communication qui est un des principaux supports d’une société démocratique s’y applique dans deux de ses facettes.
La liberté d’accès à cette gigantesque base de données qui suppose notamment qu’aucun citoyen ne soit privé de cette ouverture.
La liberté de s’exprimer sur internet qui exige que les citoyens puissent sans restriction communiquer les idées et les informations par le canal d’internet.
La liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.
En d’autres termes, les restrictions au principe de liberté ne sont légales que si elles sont absolument nécessaires.
LA CONCILIATION ENTRE LES DROITS DES AUTEURS ET LE PRINCIPE DE LIBERTE
Le téléchargement illégal des œuvres porte atteinte aux droits des auteurs .Il met en péril l’ensemble de la création artistique. Il est donc normal et légitime que le législateur mette en place un mécanisme de protection. La propriété est , en effet, au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 .comme l’exprime le Conseil, «les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que, parmi ces derniers, figure le droit, pour les titulaires du droit d'auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ; que la lutte contre les pratiques de contrefaçon qui se développent sur internet répond à l'objectif de sauvegarde de la propriété intellectuelle . »
Dés lors le législateur peut prévoir un mécanisme de protection de ce droit de propriété tout particulier .Mais, cette protection doit rester dans le cadre du principe de liberté et aucune restriction de ce principe ne peut être décidée sans une intervention du juge.
Ainsi le Conseil constitutionnel renforce considérablement le principe de liberté lié à Internet et il encadre strictement toute restriction apportée à cette liberté.

Charles Debbasch