jeudi, février 02, 2012

LE JUGE ET LE SOLDAT






La guerre n’est pas un permis de tout faire. Les progrès du droit international ont permis d’encadrer l’action des belligérants et de définir les crimes de guerre. Sont ainsi réprimées les actions des parties en conflit qui s’en prennent volontairement à des objectifs non militaires ou qui participent d’une cruauté inutile. La Cour Pénale Internationale a une large compétence pour poursuivre ces crimes.

Mais jusqu’ici aucun juge n’avait compétence pour statuer sur les préjudices subis par les soldats eux-mêmes du fait de la conduite des opérations militaires. La direction de celles-ci relevait de la seule appréciation de la hiérarchie militaire et le juge s’abstenait de la contrôler. Ce dernier verrou vient de sauter à l’occasion des problèmes de la mort de dix soldats en opérations le 18 aout 2008 en Afghanistan. Deux des familles de ces soldats morts au combat ont porté plainte contre la hiérarchie militaire pour « mise en danger d’autrui » et la cour d’appel de paris vient de reconnaître la recevabilité de cette action.

Le ministre de la défense Gérard Longuet s’est inquiété de cette judiciarisation des affaires militaires. «L’armée est soumise au droit, a –t- il déclaré et il est donc normal qu’elle rende compte. Pourtant, on reconnaît depuis toujours que la conduite des opérations est un exercice singulier qui n’est pas dans le droit commun.»

Et en effet un juge va à présent pouvoir apprécier l’opportunité de l’opération, la manière dont le commandement s’est comporté, l’absence d’appui aérien, l’équipement des soldats.

Une telle appréciation remet en cause la fonction de l’armée. Celle-ci est composée d’hommes qui soumis à une stricte hiérarchie acceptent de faire don éventuellement de leurs vies pour remplir les missions qui leur sont confiées. Mais il est vrai que notre société hédoniste rêve de guerres sans morts et remet en cause la notion même de défense.

Dans cette conception, les militaires sont des fonctionnaires comme les autres. Leur protection devient plus importante que leur mission.

C’est oublier que l’armée n’est pas une administration ordinaire. Elle est chargée de défendre les intérêts vitaux de la Nation .Il revient à l’autorité politique de la diriger et éventuellement de sanctionner ses responsables et non à un juge de se substituer au soldat

Charles Debbasch