mardi, mai 06, 2008

L'AN I DE NICOLAS SARKOZY

L’AN I DE NICOLAS SARKOZY

Lorsque l’on fera plus tard l’analyse de cette première année du quinquennat de Nicolas Sarkozy, on ne pourra pas ne pas être frappé par la rapidité avec laquelle l’extraordinaire concert louangeur qui a accueilli son investiture a été suivi par un ouragan de critiques voire de dérision. On ne manquera pas alors de s’interroger sur les causes de cette brutale inversion. On fera alors inévitablement un partage entre ce qui résulte des erreurs du nouveau président et ce qui est la conséquence de la crise économique mondiale.

Qu’il soit permis pour l’instant de se départir de l’actuel « assassinat » médiatique du Chef de l’Etat pour tenter un bilan plus équilibré.

Le désamour actuel avec l’opinion publique, il est vrai est indiscutable et les médias ne font que refléter les mouvements de l’opinion. Ainsi, selon un sondage OpinionWay du 3 mai 2008 dans "Le Figaro". seuls 32% des sondés sont satisfaits des résultats de la politique menée (contre 66% de mécontents), 36% sont satisfaits du respect des engagements de campagne (contre 61% de mécontents), 35% sont satisfaits de la manière dont M. Sarkozy exerce la fonction (contre 63% de mécontents) et 40% sont satisfaits des réformes engagées (contre 58% de mécontents). - 62% des Français pensent que la France va traverser une grave crise d'ici la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, et plus d'un Français sur deux (55%) ne souhaite pas qu'il se représente en 2012, selon un sondage CSA pour l'hebdomadaire Marianne.
Le constat est net et sans indulgence. Pour l’instant, les Français ne sont pas convaincus du caractère bénéfique de l’action du nouveau Président.

Si le Président a eu du mal, dans cette première année de mandat, à trouver son style c’est en grande partie parce qu’il a traversé un drame personnel. Tous ses efforts pour retenir sa femme, Cecilia, ont été vains. Or, celle-ci n’était pas que son épouse, elle était aussi sa principale collaboratrice avec ses exigences propres et sa Cour. Les tumultes de la séparation ont donc dépassé les limites de la chambre à coucher. Mais l’opinion publique devenue très tolérante sur la vie des couples n’a pas apprécié que succède à ce tumulte l’exhibitionnisme de sa nouvelle relation : l’effet Disneyland fut à cet égard désastreux.

Plus négative encore fut la tentative du président de désacraliser la fonction présidentielle. Tous les chefs d’Etat qui ont succédé au Général de Gaulle ont tenté de débarrasser, dans les premiers mois de leur investiture, la présidence de sa pompe. Ils sont vite retournés au classicisme ; mais Nicolas Sarkozy a chargé la barque en ce sens un peu fort. Et le ‘con’ du Salon de l’agriculture restera comme un excessif couac.

Mais, tout ceci n’aurait été que fétu de paille si Nicolas Sarkozy n’avait pas cherché à bouleverser le jeu des institutions acceptées par les Français remplaçant les ministres par ses collaborateurs personnels, ravalant son Premier ministre à un rang non pas subordonné mais indéterminé. Ce faisant, le chef de l’Etat portait atteinte à des institutions auxquelles les Français sont attachés. Il s’exposait aussi inutilement La nouvelle vague de l’élite sarkozyste n’avait pas encore assimilé toutes les ficelles du pouvoir pour assumer le rôle que le Président voulait lui voir jouer.

Nous sommes cependant, d’ores et déjà, dans l’archéologie : le Président a reconnu ses erreurs et a considérablement modifié sa façon de gouverner. On doit désormais juger le fond et non plus la forme.

Le Président n’a pas renoncé à sa volonté de réforme malgré la crise économique mondiale et, sur ce point, on ne peut que l’approuver. Les structures de la France sont sclérosées et elle s’enfoncera dans le déclin si elle ne sait pas se moderniser. Il n’y pas, à cet égard, d’autre alternative que d’alléger les structures de l’Etat, de transformer les règles du jeu social, de dynamiser l’économie. Bien entendu , ces réformes ne sont pas indolores et exigent du temps pour produire leurs effets. Mais elles sont en chantier et ceci est à porter à l’actif du chef de l’Etat.

Le président a engagé la diminution du train de vie de l’Etat et a commencé à réduire le poids de la fonction publique. Pour 2008, l'objectif a été retenu de ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois, soit 22.900 suppressions de postes. En 2009 , l’objectif de ne pas remplacer un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera respecté. La carte judiciaire a été réformée et prés de 250 tribunaux ont été supprimés. Une nouvelle loi a modernisé avec succès le statut des universités. Grâce à un brillant ministre de l’Education Nationale, un important mouvement de remise à niveau des écoles, collèges et lycées a été largement initié. - La suppression de la carte scolaire a été engagée La loi sur le service minimum en cas de grève dans les transports est entrée en vigueur.
D’importantes réformes visant à réorganiser la protection sociale sur des bases plus saines ont été lancées. Les régimes spéciaux de retraite ont été réformés. La durée de cotisation passera de 37,5 à 40 ans dès 2012. Elle sera de 41 ans en 2016. Les franchises médicales s'appliquent depuis le 1er janvier 2008 pour 45 millions d'assurés sociaux, qui doivent prendre en charge 50 centimes par boîte de médicaments et par acte paramédical.
Le souci de redonner confiance à l’initiative et à la libre entreprise a dicté de nombreuses mesures. Le paquet fiscal a quasiment supprimé les droits de succession et porté le bouclier fiscal à 50%. Un crédit d'impôt bénéficie aux personnes ayant acheté leur logement après le 6 mai 2007. . La défiscalisation des heures supplémentaires est entrée en vigueur. Le chômage a baissé de 0,8 point en 2007.Il s’établit à 7,8% de la population active malgré une conjoncture internationale désastreuse.
Le rétablissement de la sécurité et du contrôle des frontières a été largement entrepris. Un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale a été créé et une nouvelle loi durcissant les conditions du regroupement familial a été adoptée. Les peines plancher pour les récidivistes et la remise en cause de l'excuse de minorité dans certains cas pour les mineurs ont été adoptées. Le placement en rétention de sûreté des criminels restés dangereux à l'issue de leur peine qui a été voté ne sera cependant constitutionnel que pour les condamnations prononcées avant l'adoption de la loi, le 7 février 2008.
L’action internationale du Président est largement approuvée par l’opinion ; Il a renforcé des liens malmenés par Dominique de Villepin avec les Etats-Unis et le Royaume uni. C’est grâce aux initiatives de Nicolas Sarkozy qu’a été adopté le Traité simplifié modernisant l’Union Européenne.
On le voit le bilan de Nicolas Sarkozy est loin d’être négatif et très loin de la présentation caricaturale qui en est faite.
Restent pour l’avenir deux interrogations majeures
La première dépend du Président ; aura-t-il la sagesse de s’en tenir à son nouveau style et au respect de l’équilibre institutionnel de la Cinquième République. A cet égard, une grande partie de la réforme constitutionnelle - notamment ‘’l’apparition’’ du chef de l’Etat devant le Parlement- devrait être abandonnée.
La seconde est tributaire de l’environnement économique. L’opinion jugera en fonction de l’évolution du pouvoir d'achat. Et dans ce domaine tout est encore dans l’indétermination.
Rendez-vous dans l’an II !
Charles Debbasch