lundi, janvier 21, 2008

SARKOZY ET LA RELIGION


SARKOZY ET LA RELIGION
Par petites touches et sans crainte de bousculer les idées reçues ,Nicolas Sarkozy a tenté ces dernières semaines de modifier la position française sur la laïcité.
Il existe pourtant un consensus sur une conception française de la laïcité. Celle-ci s'est construite dans la volonté de soustraire l'Etat à l'influence de l'Eglise catholique. Les religions relèvent de la sphère privée et la République ne doit subventionner aucun culte. Le libre exercice des religions porte en contrepartie la stricte neutralité des autorités publiques par rapport à toutes les croyances.
La France connaît un grande diversité religieuse (v la Croix 18 janvier 2008)
On recense 40 millions de catholiques soit 64,6 % de la population Les catholiques pratiquants réguliers (qui vont à la messe au moins une fois par mois) représentent 8,6 % de la population française, soit 5,3 millions de personnes.Il y a 1,8 million de musulmans soit 3 % de la population française. Le nombre de personnes d'origine musulmane est estimé à 4 millions.On compte 1,3 million de protestants soit 2,15 % de la population française, de 500 000 à 600 000 juifs soit environ 1 %, de 400 000 à 500 000 chrétiens des différents rites orientaux, dont 300 000 orthodoxes et 475 000 bouddhistes. Les agnostiques et les athées se situeraient autour de 15 millions, soit 24,5 % de la population. 14 % des Français se déclarent « athées convaincus » (Le Monde des Religions, janvier février 2006).Les seuls débats qui sont apparus dans la sphère publique dans ces dernières années ont porté sur les controverses suscitées par certains courants liés à l'Islam tendant à imposer des signes extérieurs de la religiosité comme le voile que la République a réglementés au nom de la laïcité.
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, a pourtant tenté de modifier la conception française de la laïcité. En organisant un Conseil du culte musulman, il a, pour la première fois ,introduit l'Etat dans l'organisation religieuse.
Dans son intervention à Saint Jean de Latran ,Nicolas Sarkozy a tenté d'aller plus loin et de défendre une conception positive de la laïcité où l'Etat épaulerait les religions et s'appuierait sur elles dans l'encadrement social. En insistant sur les racines chrétiennes de la France Nicolas Sarkozy ajoute"Un homme qui croit c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent","La France a besoin de catholiques", a-t-il affirmé et il a fustigé une laïcité qui aurait tenté "de couper la France de ses racines chrétiennes.
A l'évidence, un grand nombre de valeurs de la société française tirent leurs sources de la chrétienté mais intégrées dans les pratiques sociales et le droit elles se sont en quelque sorte laïcisées. On peut se demander si les rattacher à nouveau à leurs sources ne risque pas de raviver de vieilles controverses aujourd'hui apaisées ou de conduire d'autres religions à tenter d'imposer à leur tour à l'Etat leurs valeurs.
La force de la République tient justement dans la cohabitation de tous dans un même creuset de valeurs. Celles-ci ne supposent pas l'adhésion à un dogme. Traduites dans la loi, elles sont des règles de comportement communes détachées de tout conformisme spirituel.
Si Nicolas Sarkozy a raison de souligner que l'hostilité qui avait présidé en 1905 à la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a plus de raison d'être, sa hiérarchisation entre le rôle du religieux et du laïque est plus que contestable..
Dans une expression qui fera date- et qui parait devoir être mise en parallèle avec sa formule à Dakar sur l'homme africain-, Nicolas Sarkozy n'a pas craint d'affirmer- "dans la transmission et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur"
C'est oublier que l'éducateur et le pasteur n'ont pas la même fonction. Le pasteur recherche l'adhésion à une vérité révélée. Sa mission se situe dans le domaine de l'irrationnel. L'éducateur délivre un savoir fondé sur la raison. Le prêtre exclut, l'éducateur rassemble.
Dans une époque où les intolérances se multiplient, il n'est pas sain d'encourager la parcellisation de la société française.
Charles Debbasch