jeudi, juillet 10, 2008

LE DERNIER JOURNAL TELEVISE DE PATRICK POIVRE D'ARVOR

LE DERNIER JOURNAL DE PATRICK POIVRE D’ARVOR

Au moment où il présente son dernier journal télévisé sur TF1 un sondage publié dans le Journal du Dimanche après l'annonce de son éviction sondage doit faire chaud au cœur de Patrick Poivre d’Arvor. Il révèle qu’une majorité de téléspectateurs (55%) ont désapprouvé la décision de la direction de TF1 de mettre fin à ses fonctions et les 2/3 ont souhaité que PPDA présente à la rentrée prochaine un JT sur une autre chaîne. C’est qu’en 21 ans de carrière et plus de 4500 journaux présentés, Patrick Poivre d'Arvor avait su donner avec brio l’illustration des différentes facettes de son talent et était devenu un familier des Français dans les foyers desquels, il s’introduisait tous les soirs.

On ne demeure pas si longtemps sur le devant de la scène sans un travail constant, des grandes qualités de présentation et de clarté et une immense gentillesse. C’est pourquoi les rares faux pas de cet artiste ne méritent même pas d’être mentionnés. On est sûr que celui qui, à 61 ans, est resté encore presque un jeune homme trouvera bien vite à s’employer ailleurs et autrement et qu’il abordera sa nouvelle carrière avec bonheur.

Ceci dit le départ de PPDA marque la fin d’une époque. En 21 ans, le monde a changé, la télévision a connu une révolution et une nouvelle génération de téléspectateurs a pris les commandes.

A l’évidence, la société que contemplent les téléspectateurs n’est plus la même. La France n’est plus le centre du monde .La mondialisation est passée par là. Dans la nouvelle société planétaire la mise en valeur des évènements a changé. L’image a pris le pas sur la parole. Un nouveau style d’information plus sobre et plus dépouillé s’est imposé. Le rôle du présentateur s’est réduit. En ce sens, PPDA n’aura pas de véritable successeur.

La grande messe du vingt heures s’étiole de plus en plus. Le monopole de TF1 s’érode de jour en jour. Les chaines d’information grignotent et bientôt dévoreront l’audience de la chaîne de Bouygues qui ne craint pas d’ailleurs avec LCI de se cannibaliser elle-même.

Enfin, la manière même de s’exprimer a changé comme elle se modifie à chaque génération. Lorsque j’étais étudiant en droit dans les années cinquante, un de nos professeurs nous remplissait d’admiration. Il ne préparait pas beaucoup ses cours mais s’exprimait avec un style «vieille France » si alambiqué et précieux qu’il finissait par nous séduire. Quelques années plus tard, alors que j’étais devenu doyen de Faculté de droit dans l’après 68, je vis venir vers moi ce professeur qui était devenu mon collègue. Il me demanda de le décharger de son cours dans un grand amphi. Son style qui imposait le respect à mon époque était devenu soudainement désuet et provoquait les rires et les chahuts.

De même, dans la société du troisième millénaire, les modes d’expression ont changé. Et c’est sans doute cette mutation que tente d’accompagner TF1 avec quelque brutalité.

Ce qui ne nous empêche pas d’avoir un serrement de cœur en regardant le dernier journal de PPDA. Notre dernier journal.

Charles Debbasch