jeudi, juillet 30, 2009

ON NE JOUE PAS AVEC LES SMS

ON NE JOUE PAS AVEC LES SMS

Dans les premiers temps de leur apparition, les SMS, ces brefs messages que l’on échange par portable, étaient le domaine de la spontanéité, de l’instantané, du monde virtuel. Les délinquants se sont vite appropriés ce moyen de communication qu’ils pensaient invulnérables : pour ’’ dealer’’ de la drogue ou organiser un holdup .Les jeunes en ont fait le royaume de leur univers caché avec son nouveau langage et ses codes secrets. Les amoureux en ont profité pour organiser leurs rendez vous intimes.
Mais, gare, le droit a vite fait de récupérer les nouvelles activités et les SMS n’échappent plus à l’emprise de la règle de droit. Deux affaires récentes viennent de le démontrer.
Un prévenu de 21 ans avait envoyé deux SMS injurieux et menaçants sur le téléphone portable privé de Rachida Dati alors Garde des Sceaux. Les messages envoyés dans la nuit du 30 au 31 juillet 2008 menaçaient de "tout faire sauter sur Toulouse" et adressaient des injures à la ministre. Cet imprudent vient d’être condamné à trois mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Toulouse. Un second prévenu déclaré coupable de complicité a été condamné à 1.000 euros d'amende. Une autre personne a été condamnée à trois mois de prison avec sursis et 800 euros d'amende pour avoir fourni le numéro de téléphone privé de la ministre. Les trois condamnés devront en outre payer solidairement à Rachida Dati 1.652 euros de dommages et intérêts et 3.000 euros de frais de justice.
Cette sanction est légitime.
Plus cocasse est la décision que vient de rendre la Cour de Cassation dans une affaire de divorce. Une femme trompée avait fourni comme preuve de l’infidélité de son époux, des SMS qu’elle était allée fouiller sur le mobile de son mari.



La Cour d'appel avait rejeté cette production en estimant que les SMS relevaient "de la confidentialité et du secret des correspondances". Elle ajoutait que "la lecture de ces courriers à l'insu de leur destinataire constituait une atteinte grave à l'intimité de la personne". Elle avait, dés lors, prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse.
La Cour de Cassation par un arrêt du 19 juin 2009 a cassé cette décision. Elle admet, en effet, de façon habituelle que les lettres échangées entre époux ou entre un époux et un tiers peuvent être produites sans le consentement des intéressés, à la condition expresse qu'elles aient été obtenues "sans violence ni fraude". Or ; dans le cas d'espèce, l'épouse trompée plaidait qu’elle était tombée sur les SMS échangés entre son mari et sa maîtresse en mettant la main sur un téléphone portable professionnel "perdu" par ledit mari. Dés lors qu’un SMS n’a été obtenu ni par violence, ni par fraude, la Cour estime qu’il peut être produit en justice et servir de moyen de preuve.
Au même moment, on apprend que le nombre des écoutes téléphoniques a explosé en France. Le recours administratif ou judiciaire aux interceptions de communications a augmenté de 440% aux cours des sept dernières années! Les écoutes téléphoniques à la demande des magistrats passent de 5.845en 2001 à 26.000 en 2008. En 2005, les dépenses d'interception du ministère de la Justice se seraient ainsi élevées à 92millions d'euros, soit 20% des frais de justice. Environ 20.000écoutes téléphoniques ont été réalisées en 2005, représentant 30% des interceptions globale (courriels, SMS).
Mais rassurons nous, selon le ministère de la Justice, la France est l'un des pays d'Europe qui pratique le moins d'interceptions judiciaires: quinze fois moins que l'Italie, douze fois moins que les Pays-Bas et trois fois moins que l'Allemagne.
Il n’en demeure pas moins que le souci de la sécurité l’emporte désormais sur le respect de la vie privée

Charles Debbasch