dimanche, février 24, 2008

LES RETENTIONS DE SURETE ET LA CONSTITUTION

LES RETENTIONS DE SURETE
ET LA CONSTITUTION

L’opinion publique a été légitimement émue par ces criminels dangereux qui, une fois leur peine purgée, s’en vont commettre de nouveau crimes. Surfant sur cette demande sociale, Nicolas Sarkozy a imaginé la possibilité de retenir dans des structures adaptées ces délinquants dangereux à la fin de leur peine : les criminels condamnés à 15 ans de réclusion et plus pour "assassinat, meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration" pourront ainsi être enfermés à leur sortie de prison.

Cette rétention de sûreté a été vivement critiquée dans son principe même. Un des principes fondamentaux de notre droit est en effet que l’on juge les individus en fonction des actes qu’ils ont commis et non en fonction de la menace potentielle qu’ils pourraient représenter. C’est pourquoi l’opposition a saisi le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a reconnu dans sa décision la validité d’une telle mesure mais en a restreint fortement le champ d’application. Il a estimé en effet que les personnes déjà condamnées et celles qui le seront pour des faits commis avant la publication de la loi ne seraient pas concernés par le texte, sauf dans certains cas précis.-il s’agit des détenus libérés qui ne respecteraient pas des obligations comme le port d'un bracelet électronique et un traitement médical.

Le Conseil a également précisé qu'avant d'ordonner la rétention, il faudra vérifier si les détenus ont bénéficié en prison de soins adaptés à leurs troubles de la personnalité.

Ainsi pour l’essentiel la loi ne sera pas applicable avant une quinzaine d’années et elle ne concernera qu’un nombre limité de cas.

Peu satisfait de cette décision Nicolas Sarkozy a demandé au premier Président de la Cour de Cassation de lui faire des propositions pour rendre immédiatement applicable la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés –

Cette demande pose un grave problème juridique, en effet, l'article 62 de la Constitution précise que "les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles".

La requête du président de la République pourrait être interprétée comme visant à contourner cette intangibilité des décisions de la juridiction constitutionnelle. C’est bien ainsi que les organisations de magistrats l’ont interprétée.
Le secrétaire général de l’USM Laurent Bedouet. a déclaré "Jamais un président n'a demandé au président de la cour de Cassation comment contourner une décision du Conseil constitutionnel"

Pour sa part, Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, a ajouté :
"On a de l'émotion. Le président de la République est le gardien des institutions. Demander au président de la Cour de cassation les moyens pour contourner une décision du Conseil constitutionnel, c'est inquiétant pour notre démocratie".

La voie est étroite pour le premier Président de la Cour de Cassation.

C’est, en effet, que le problème a été mal ^posé dés le départ ; la rétention de sûreté n’est pas une peine mais une mesure de police administrative visant à prévenir de graves troubles à l’ordre public. C’est sur ce terrain qu’il faut se placer pour organiser le contrôle des mesures de sûreté ; elles ne sont légales que si elles sont strictement proportionnées aux circonstances et absolument nécessaires.

Si on veut sortir de l’impasse actuelle, c’est donc une nouvelle loi qui est indispensable pour encadrer juridiquement les mesures de sûreté.

Charles Debbasch