mercredi, avril 06, 2011

LA DROITE A SAUTE MOUTON SUR 2012

LA DROITE A SAUTE-MOUTON SUR 2012

Malgré leur caractère si faiblement prévisionnel à quinze mois des présidentielles, les sondages calamiteux pour Nicolas Sarkozy ont un effet sur sa majorité qui se divise face à l’échec annoncé.
La lutte se circonscrit pour l’instant à deux personnages clés : le premier ministre François Fillon et le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, qui ont déterré la hache de guerre.
Le débat a porté tout d’abord sur la consigne de vote pour le second tour des cantonales. Tandis que Copé s’en tenait à la stricte position du Président de la république »ni Front républicain, ni vote pour le front National », Fillon paraissait s’en démarquer et choisir plutôt pour un front républicain.
Il s’est situé ensuite sur le terrain idéologique. Tandis que Copé ouvrait un débat sur la place de la laïcité et de l’Islam, Fillon paraissait peu désireux de s’engager sur ce terrain. Il n’en fallait pas plus pour que le secrétaire général de l’UMP laisse éclater sa colère et reproche au locataire de Matignon de jouer ‘’perso ‘’ et de manquer de loyauté à l’égard du Président de la République. Cet incident n’était pas encore clos que, dès le 3 avril, Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP et ancien premier ministre, mettait en doute la "loyauté" de François Fillon vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Tandis que le 4 avril le député UMP Claude Goasguen estimait que le premier ministre commettait "une grave erreur" en essayant de "se démarquer de Nicolas Sarkozy".
Derrière cette guerre se profilent deux débats importants
Le premier concerne le recentrage politique de la majorité. Le courant Fillon estime que ce serait une erreur de droitiser la majorité pour combattre le Front National. Pour la tendance Copé- Sarkozy, ce n’est pas parce qu’un thème est évoqué par le FN qu’il faut pourtant négliger les préoccupations des électeurs qu’il recèle.
Le second est d’ordre institutionnel, c’est le respect de la hiérarchie entre le Chef de l’Etat et le premier ministre. Ce n’est pas parce que sa cote de popularité dans les sondages dépasse celle du chef de l’Etat que François Fillon doit méconnaître les principes fondamentaux de la cinquième République.
Et Jean-Pierre Raffarin d’enfoncer le clou.
Déçu du choix présidentiel de l'automne 2010 de conserver François Fillon comme premier ministre, Jean-Pierre Raffarin estime qu’à 14 mois de la présidentielle, il ne serait pas trop tard pour remplacer M. Fillon en effectuant "un saut de génération» en nommant soit François Baroin, le ministre du budget, soit Bruno Le Maire, le ministre de l'agriculture. L‘ancien premier ministre lance un avertissement à François Fillon. «On ne peut pas avoir, dans la Ve République, sur une question aussi fondamentale, un sujet aussi fort, une divergence entre le président et le premier ministre, Il y a eu trouble. Il y a eu divergence entre le président de la République et le premier ministre.» «François Fillon le sait aussi bien que moi, le principe de loyauté est le principe de Matignon. Ce n'est pas le principe de précaution qui compte, à Matignon.» Et Jean-Pierre Raffarin menace : «Je suis sûr que François Fillon aura à cœur dans les jours qui viennent d'afficher clairement cette loyauté. Elle est fondamentale.»
Le débat est cependant encore plus profond.On peut se demander si les deux personnages clés que sont Fillon et Copé ne sont pas en train de jouer une partie qui dépasse 2012.
Convaincus que l’élection présidentielle prochaine est perdue pour la droite, ils ont entamé une lutte pour le leadership en 2017. Pour eux, ce serait saute-mouton sur 2012.
A moins qu’ils ne soient plus pressés et que les sirènes qui imaginent Sarkozy hors-jeu pour 2012 ne troublent leurs pensées…
Charles Debbasch