mardi, octobre 21, 2008

LA FABLE DU FMI

LA FABLE DU FMI

En ce temps là, les grands argentiers du monde entier se désespéraient.

Ils venaient de vivre une époque de généreuse abondance. Tout allait pour le mieux jusqu’alors au royaume du business. Le cours des actions s’envolait. Les bonus des traders ressemblaient à des jackpots de casinos. La classe des nantis se protégeait. Quand l’un d’entre eux commettait quelque négligence, on ouvrait la cabine de l’avion non pour le vouer à une quelconque chute libre mais pour faciliter son atterrissage dans le monde ordinaire avec un parachute doré façon de récompenser sa négligence. Les banques s’étaient engouffrées dans l’euphorie ambiante .Elles avaient oublié qu’elles n’existaient que par l’argent de leurs clients et, qu’à force de jouer avec ces fonds, elles risquaient de se trouver à découvert. Au lieu de soutenir les activités productives, elles s’étaient lancées dans la création de véritables sociétés fictives dont les titres étaient basés sur les créances incertaines qu’elles détenaient sur des tiers. Pris dans cette grande folie de la finance ordinaire, les Etats avaient eux-mêmes succombé au vertige de l’argent facile. La planche à billets et les emprunts avaient remplacé la gestion de bon père de famille. Quelques esprits chagrins essayaient de temps à autre de prédire que tout ceci finirait mal mais on les traitait comme des croquemorts faisant irruption dans une noce joyeuse, comme un cortège d’enterrement traversant quatre mariages. Ils étaient des empêcheurs de danser sur le pont de Wall Street. Les beaux messieurs de la Finance ne devaient pas être troublés par ces oiseaux sombres.

L’orage éclata cependant avec soudaineté. Un des principaux établissements financiers des Etats-Unis à court de liquidités fut contraint de mettre la clé sous la porte .L’onde de choc fut terrible. Le château de cartes de la confiance s’effondra. Les bourses furent à l’agonie. Et les banques si libérales dans les temps de prospérité, s’agenouillèrent devant les Etats en implorant leur aide. Le trouble s’installa dans les esprits comme si une religion s’effondrait avant même qu’une nouvelle croyance n’émerge. Les libéraux devenaient subitement interventionnistes et les socialistes volaient au secours du monde capitaliste. Même le maître de toutes les Russies en appelait à la raison pour que cesse se désordre.

Dans ce grand désarroi, on était à la recherche d’un grand architecte pour rebâtir un nouveau temple. Mais le président américain était presque au bout de son mandat et de la masse des dirigeants seul émergeait le Chef d’Etat français qui par un heureux hasard cumulait ses fonctions pour quelques semaines avec la Présidence de l’Europe. On comptait aussi beaucoup sur les instances financières internationales et notamment sur le FMI.A la tête de cette institution depuis quelques mois un Français était devenu la coqueluche du gratin international. Socialiste mais libéral, il paraissait être le right man in the right place au moment où, justement il fallait concilier l’Etat et le marché, le libéralisme et l’interventionnisme .A la veille d’une grande conférence internationale, un drame pourtant éclata.

Chacun sait que lorsque les peuples sont dans le désarroi, ils cherchent un bouc émissaire. Déjà, ici et là sur la planète, on condamnait les financiers à la dégradation ; À la place du parachute doré on leur laissait tout juste leur caleçon avant de les chasser. Je ne sais pourquoi j’ai employé ce qualificatif de sous-vêtement ; Sans doute pour vous annoncer que dés lors que les cerveaux des financiers avaient perdu le contrôle de la situation, on allait désormais s’en prendre à ce qui se passait au dessous de la ceinture. Les États-Unis sombraient déjà depuis quelques années dans une sorte de terrorisme sexuel. Des intégristes s’étaient faufilés dans le sillage du mouvement de libération des femmes. Ils traquaient tous ceux qui, en situation de responsabilité, succombaient aux charmes des partenaires du sexe opposé. Déjà le président Clinton avait été la victime de cette chasse au sexe. La fellation partagée avec une de ses secrétaires avait occupé l’actualité mondiale. Chacun craignait de se retrouver dans une situation compromettante. Le professeur d’université se gardait bien de monter dans le même ascenseur qu’une de ses étudiantes de peur qu’elle ne l’accusât ensuite d’avoir voulu la conduire au septième ciel. Le directeur recevait la jeune stagiaire dans son bureau la porte ouverte pour être sûr de ne pas être ensuite injustement accusé. Chasser le sexe du lieu de travail était l’objectif des nouveaux talibans américains. Ils oubliaient que les êtres humains n’ont de rapports qu’avec les gens qu’ils connaissent. Comme le dit l’humoriste : « On reproche toujours aux êtres humains de courtiser la meilleure amie de leur femme, sa cousine, sa belle sœur ou sa collègue de bureau .Voudriez vous alors qu’ils couchent avec des gens qu’ils ne voient jamais. » Il n’empêche .Le terrorisme sexuel rendait les hommes prudents. Dés lors que faire la cour était assimilé à du harcèlement, il fallait ses distances garder. Chasser pourtant le sexe, il revient au galop. Faute de le pratiquer en réel, les américains s’étaient réfugiés dans le virtuel. La pornographie était devenue la reine de l’Internet et les chaînes de télévision des vitrines pour exposition de playmates en chaleur. C’est dans ce contexte que l’on apprit que le directeur du FMI avait partagé quelques moments d’extase avec une de ses secrétaires. Aussitôt, la presse se déchaîna contre l’imprudent qui avait violé la prohibition du sexe au bureau. Un bouc émissaire était enfin offert à tous ces épargnants qui avaient vu leurs économies fondre en bourse, à tous ces salariés qui étaient en panne d’emploi.

Il s’ensuivit un grand trouble dans la planète des finances. La monnaie américaine subit de lourds assauts. Au lendemain d’une nuit historique, l’opinion mondiale apprit que le Congrès américain avait décidé de supprimer le dollar et de le remplacer par l’ECU.

Charles Debbasch