mercredi, avril 28, 2010

LAICISER LE DEBAT SUR LA BURQA

LAICISER LE DEBAT SUR LA BURQA

Au moment où resurgit le débat sur la burqa, ce voile intégral que des extrémistes rétrogrades veulent imposer aux femmes, je ne peux que répéter les positions que j’ai soutenues ici-même sur ce sujet le 29 novembre 2009.

La loi a pour vocation d’être générale. Elle fixe des principes et elle ne règle pas des exceptions. Pourtant, à notre époque, chaque fois qu’un problème nouveau apparaît, on est tenté de le résoudre par la voie législative sans être assuré que le nouveau texte sera susceptible de régler le problème qu’il est censé résoudre. Le coup de clairon législatif dans l’opinion parait plus important que la loi elle-même dont chacun se moquera ensuite quand la fantaisie du moment se sera évanouie.

Je n’ignore pas pourtant le défi que des extrémistes rétrogrades lancent aux lois de la République. Ignorants de la séparation du temporel et du spirituel, ils veulent, au nom de ce qu’ils pensent être leur foi, imposer à notre République des règles de comportement social : voiler les femmes, séparer les sexes dans les hôpitaux ou les piscines et, qui sait, demain dans les écoles.

Bien entendu, il ne faut pas au nom de la tolérance et de l’ouverture d’esprit laisser l’intolérance prospérer. Bien entendu aussi, le principe constitutionnel de laïcité doit l’emporter sur toute autre considération. Bien entendu également, si notre arsenal constitutionnel ou législatif est insuffisant pour nous protéger des dérives fanatiques il faut le modifier. Et je ne peux me satisfaire de la position émise dans son avis par notre Conseil d’Etat qui estime qu’une interdiction absolue de la burqa serait contraire à des principes juridiques sans proposer ce qui permettrait à la volonté politique de s’insérer dans la rigueur juridique

Mais, je ne crois pas davantage à la bravade du gouvernement qui a décidé des faire comme si le risque d’inconstitutionnalité n’existait pas car rien ne serait pire que de faire voter une loi qui serait ensuite rejetée par le juge constitutionnel.

L’objectif affiché est de légiférer pour interdire le port du voile intégral. Mais, n’allons-nous pas, pour régler des situations exceptionnelles, faire de la publicité pour les mouvements intégristes et les transformer en défenseurs de la liberté se levant contre d’affreux répressifs ?

Sortons donc le problème du cadre étriqué dans lequel on l’a enfermé et revenons aux principes.
Le problème de la dissimulation du visage ne concerne pas seulement une minorité religieuse. On a vu, récemment, lors de manifestations violentes, des casseurs, le visage dissimulé par un foulard, pour détruire et voler en toute impunité. Cela n’a rien à voir avec une attitude religieuse.

Il faut donc dépasser le cadre de la burqa et s’élever au niveau d’un principe fondamental régissant les rapports humains dans une société civilisée.

Chaque individu a une identité. Cette identité il ne doit pas la dissimuler ou la travestir. L’identité n’est pas un simple document d’état civil. Elle s’incarne dans un visage qui est le drapeau extérieur de l’état civil. Dissimuler son visage c’est perturber la relation sociale et mettre en danger l’ordre public.

Il n’est sans doute pas besoin d’une loi pour rappeler que dans un Etat de droit on n’avance pas masqué mais à visage découvert. Mais, si on estime nécessaire de rappeler ce principe, faisons le dans une loi à article unique et sans référence au linceul noir dans lequel certains veulent emprisonner notre laïcité républicaine.

Charles Debbasch