vendredi, septembre 05, 2008

LE SERVICE PUBLIC ET LA POSTE

LE SERVICE PUBLIC ET LA POSTE

Une controverse partage aujourd’hui la classe politique.La Poste doit-elle conserver son statut de service public ou doit-on la privatiser ? Une occasion de se pencher sur le sens et la fonction des services publics.

Sous des dénominations diverses, il existe dans tous les pays des
services permettant de répondre aux besoins collectifs. Le service public
français répond à cette exigence. La construction européenne libérale a
cherché à donner une traduction différente à cette réalité à travers la notion
de service universel .

La politique n’est pas étrangère à ce débat.
Deux courants idéologiques le libéralisme et le socialisme se combattent. .Le premier est favorable à la réduction des services publics. Le second souhaite leur extension. Mais chacun admet cependant que certains services sont nécessairement publics.

Il reste alors deux problèmes à trancher .Quels services ?Gérés dans quelles conditions ?

I - QUELS SERVICES ?
La réponse démocratique est simple. Sont des services publics ceux que
les représentants du peuple ont estimé, à un moment donné, essentiels pour
répondre aux besoins exprimés par la population. Ainsi est marqué le
caractère contingent des services publics : les besoins collectifs évoluent et
les services rendus par la collectivité changent corrélativement. Ainsi
s’exprime aussi la prise en charge politique de la décision de vie et de mort
sur le service public.

Telle est la théorie, mais la pratique constatée s’en éloigne consi-
dérablement.

Au point de vue de la décision tout d’abord. Le processus de création
du service public ne repose pas toujours, loin s’en faut, sur une décision
claire et ordonnée du pouvoir politique. L’administration secrète ses services
comme une couche calcaire qui se surajoute aux strates existantes. Chaque
service lance ses pseudopodes et ces branches acquièrent leur autonomie
sans que nul concepteur préside à leur fécondation.

Le simple constat des services publics existants est rarement effectué.; Il s’agit d’un
recensement où les dédoublements, les fantômes, les enfants naturels ou
adultérins sont si nombreux que la puissance publique a du mal à reconnaître
ses propres limites. Et pourtant un tel recensement est essentiel pour que la
collectivité ne soit pas écrasée par sa propre architecture.
Un tel recensement s’impose d’autant plus que l’Etat qui donne
la vie devrait aussi pouvoir euthanasier ses propres services lorsqu’ils sont
devenus obsolètes, incapables d’assurer leur mission ou, plus simplement,
oppressifs pour ceux qu’ils prétendent servir. Or, l’État -incapable de
reconnaître son propre domaine- est de ce fait inapte à lui donner une
délimitation conforme aux exigences du corps social.Les services se maintiennent assurant leur propre survie, se reproduisant tel un cancer qui ronge le corps social.

Il ne manque pas de forces qui poussent en ce sens fonctionnaires
luttant pour la survie de leur entreprise, groupes de pression qui contrôlent
ces pseudopodes qui ne veulent pas voir disparaître leur raison d’être : des
intérêts particuliers qui se déguisent en défenseurs de l’intérêt général.
Aucun État organisé ne peut se passer pourtant de cette évaluation
permanente de la nécessité des services publics pour prendre dans des
conditions éclairées, sous le regard et le contrôle de l’opinion publique, les
décisions de création ou de suppression qui s’imposent.


II - GÉRÉS DANS QUELLES CONDITIONS ?
Les services publics sont au service des citoyens. Banalité qui exprime
que ces services doivent satisfaire les besoins exprimés dans le respect des
règles démocratiques.

La conception française résume ces exigences dans les concepts de continuité,
d’égalité et d’évolution censés résumer l’étiage des exigences que les services
doivent satisfaire.

Mais, là encore, l’évaluation du degré de satisfaction réelle des
citoyens n’est guère appréciée. Si on voit apparaître des sondages destinés à
mesurer le degré de satisfaction du public, l’administration n’a guère mis au point
ses propres instruments de mesure de l’adéquation entre la vocation affirmée -le
service de l’intérêt général- et l’action réalisée.

Ce bilan coûts-avantages s’impose pourtant dans tous les domaines de l’action administrative pour éviter que, sous le couvert du service public, l’inflation administrative ne progresse et ne s’amplifie.

Cette évaluation s’impose également à tout instant pour mesurer les
avantages et inconvénients respectifs de la gestion publique et de la gestion
privée. Non pour imposer une doctrine mais pour prendre des décisions
éclairées qui répondront aux exigences de l’heure
. Lorsque dans l’avant-guerre, les chemins de fer furent nationalisés en France, c’est parce que les réseaux privés morcelés et mal gérés ne permettaient pas de répondre aux
attentes du public. Cette gestion s’impose-t-elle aujourd’hui et la réponse
peut-elle être la même en France et en Grande-Bretagne où l’état du réseau
privatisé ressemble à celui de la France de 1936 ?
Les audits évaluatifs doivent apporter les réponses qui permet-
tront au pouvoir politique de prendre des décisions éclairées.
Le service public ne doit plus être un pavillon de complaisance mais,
plus simplement, l’étendard de besoins collectifs assumés dans l’excellence.

Et j’en reviens à la question de la Poste : plutôt qu’une réponse abstraite et doctrinale au problème du statut, je préfère que l’on se décide en fonction des besoins et des attentes des citoyens.

Charles Debbasch