vendredi, août 12, 2011

iNTERNET ENTRE FICTION ET REALITE




L’effondrement du titre de la société générale sur la base d’une fausse information incite à réfléchir sur la difficulté de la quête de la vérité dans notre société noyée par une déferlante d’expressions.

Le 7août Le Mail on Sunday publie un article affirmant que la Société Générale se trouve dans «un état périlleux» «au bord du désastre». L’édition dominicale du quotidien britannique Daily Mail s’appuie sur «une source gouvernementale de haut rang» qui aurait décrit la position de la Société générale comme périlleuse. Dés le lendemain, le Mail on Sunday retire l’article de son site. Le 9 août le Daily Mail présente ses excuses «sans réserve» à la banque et reconnaît que son article est sans fondement.

Il n’empêche le mal est fait.
La Société Générale ne sort pas indemne de ces fausses informations. Son cours de Bourse s’effondre de 20%, avant d'achever la séance sur une chute de -14,74%. Les autres banques subissent les effets de la contagion: le Crédit Agricole perd 11,81%, BNP-Paribas 9,47%.
L’on s’interroge alors sur l’origine de la fausse information et l'on croit la trouver dans une fiction que le monde offre en cette période estivale à ses lecteurs. Sous le titre « Terminus pour l’Euro » , le Monde a en effet publié du 26 juillet au 6 août, une fiction sur la crise qui imagine de grandes manœuvres politico-financières en zone euro dans la tourmente, ainsi que les faillites des banques Société Générale et Crédit Agricole.
Une journaliste de Reuters a poussé plus loin la rumeur en écrivant sur son compte twitter «La rumeur d’une SocGen en faillite serait partie d’une mauvaise lecture par le Daily Mail du feuilleton d’été du Monde!»
D’une rumeur à l’autre, on en vient ainsi à rendre le journal du soir parisien responsable de la naissance d’une fausse nouvelle. L ’Agence France-Presse affirme dans une dépêche que le feuilleton «a été à la source d’une fausse information qui a largement concouru au plongeon du titre Société générale en Bourse».
La dépêche rappelle que «Terminus pour l’euro» avait déjà irrité le Crédit Agricole: «La banque avait adressé une lettre au Monde valant "protestation et démenti" dont le journal a fait état dans l’épisode de la fiction de Philae paru le 30 juillet».
De son côté Le Monde dément avoir inspiré le Mail on Sunday: «Il n’existe aucun lien entre cette fiction estivale et la cotation en Bourse de la Société Générale», d’après le directeur délégué des rédactions du Monde Serge Michel.
Cette affaire illustre la difficulté de discerner le vrai du faux dans notre société d’information foisonnante.
D’une part, on ne peut reprocher au journal le Monde de publier une fiction ou alors il faudrait interdire toutes les œuvres littéraires qui s’inspirent peu ou prou du réel.
En revanche, la lave en fusion internet contient tout à la fois des pépites et du mâchefer.

Elle fait naître des talents mais donne aussi la libre parole à des faussaires, des escrocs ou des incompétents. Comme la justice ne peut être saisie que dans des cas extrêmes c’est aux journalistes professionnels qu’il appartient de séparer le bon grain de l'ivraie.
On a souvent insisté sur le fait qu’Internet réduisait le rôle des journalistes professionnels en les privant de leur monopole d’expression.
Et si Internet offrait ainsi aux journalistes de talent une fonction régulatrice au service de la liberté de l'information ?

Charles Debbasch