samedi, septembre 01, 2007

SARKOZY ET LES JUGES

SARKOZY ET LES JUGES

Pour ceux qui l’auraient oublié, Nicolas Sarkozy est juriste et avocat. Politique, il connaît l’immense insatisfaction de l’opinion à l’égard de la justice. Il ne se prive donc pas de donner son avis sur le fonctionnement de la justice et ses réflexions entraînent de nombreuses réactions corporatives des syndicats de magistrats.

Une réflexion s’impose dés l’abord. L’indépendance des magistrats signifie qu’ils ne doivent juger qu’en leur âme et conscience sans subir de pression de quiconque. Elle ne signifie pas que les magistrats soient les maîtres de la législation ou de la politique judiciaire qui relèvent elles de l’appréciation du Parlement ou de l’exécutif. Il n’est donc pas anormal que Nicolas Sarkozy dévoile sa conception des problèmes de justice.

.C’est à ce titre que le Chef de l’Etat s’est exprimé le 30 août 2007 jeudi, devant un ensemble de chefs d'entreprise réunis pour l'université d'été du Medef.

Il a déclaré à cette occasion qu'il souhaitait « mettre un terme » à la pénalisation du droit des affaires. « La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, a-t-il déclaré, Comment faire un calcul économique quand on ne sait pas à l'avance comment la réglementation va s'appliquer, quand on ne sait pas ce qu'on peut raisonnablement attendre des juges [...] quand le risque financier lié à l'incertitude juridique se double de plus en plus d'un risque pénal ? » Trop de contentieux « embarrassent les juridictions correctionnelles » alors qu'ils « pourraient être réglés au civil ». Le chef de l'État a assorti sa demande d'une mise en garde aux magistrats : « Les juges doivent jouer le jeu » et « ne pas se laisser tenter par le gouvernement des juges, ne pas se laisser aller à devenir des arbitres de la politique et à juger de la manière dont les chefs d'entreprise font leur métier. »

Ces réflexions ne peuvent qu’être approuvées.

Il est évident qu’il vaut toujours mieux régler les problèmes au civil plutôt qu’au pénal. L’excès de répression tue la répression. Il faut réserver le pénal aux affaires les plus graves et pour le reste faire supporter aux entreprises les conséquences de leur responsabilité civile.

Il est non moins évident que la politique des l’entreprise se décide dans l’entreprise. Les juges n’ont pas à se substituer aux dirigeants de l’entreprise pour refaire quinze ou vingt ans après leur propre calcul économique. Il est à cet égard choquant que certains magistrats s’affranchissent des dispositions claires du code pénal sur la prescription et se lancent dans l’archéologie judiciaire. Par exemple, en décidant que l’abus de biens sociaux ne se prescrit qu’à compter de sa découverte, les magistrats ont jugé contra legem et ont créé sans l’assentiment du législatif leur propre règle de droit.

La justice doit revenir à plus de sérénité à l’égard du monde de l’entreprise et ce n’est pas trop lui demander que de chercher à retrouver les chemins du droit et à abandonner les tentations de la politique.

Charles Debbasch