mardi, avril 12, 2011

LA CHUTE DE LAURENT GBAGBO

L’arrestation de Laurent Gbagbo par l’action conjuguée de l’ONUCI et des forces républicaines ivoiriennes avec le soutien des forces françaises après quatre mois de crise sera accueillie avec soulagement y compris par ses propres partisans.
La coexistence guerrière de deux pouvoirs était de plus en plus insupportable.
Pour tous les Ivoiriens qui se voyaient enfermés contre leur gré dans un conflit régionaliste et ethnique.
Pour tous les étrangers vivant dans le pays menacés et apeurés par une situation d’anarchie.
Pour tous les Africains qui voyaient leur continent déstabilisé par cette guerre fratricide.
Pour la communauté internationale qui avait reconnu Ouattara comme Président légitime et qui avait investi de lourds moyens dans le but d’installer un nouveau président au pouvoir.
Pour tous les Togolais aussi.
La prolongation du conflit en Côte d’ivoire avait de nombreuses répercussions sur les autres pays africains et notamment sur le Togo.
Un véritable pont aérien avait du être organisé entre Abidjan et Lomé pour évacuer vers la capitale togolaise tous les étrangers qui souhaitent échapper à l’enfer ivoirien. Plus de 2000 réfugiés ont été ainsi accueillis grâce à la coordination nationale d’assistance aux réfugiés et l’aide de nombreuses familles togolaises. Le port de Lomé était également lourdement surchargé à la suite de la fermeture des ports ivoiriens. Il fallait, en effet, accueillir les navires détournés et acheminer autant que faire se pouvait les marchandises vers la Côte d’Ivoire.
Le blocage de l’économie ivoirienne perturbait toute l’Afrique de l’Ouest et provoquait un renchérissement des marchandises alors que chacun s’interrogeait sur le maintien de la parité du CFA.
On ne saurait surtout oublier la contribution apportée par l’armée togolaise aux Forces des Nations Unies. Les soldats togolais unanimement loués pour leur sang froid , leur professionnalisme et leur impartialité s’étaient intégrés avec succés dans les forces de l’ONUCI commandées par un général togolais.
Le Togo , grâce à la position sage et mesurée de son Chef d’Etat , s’est bien gardé de jeter de l’huile sur le feu dans ce conflit. Il a su aider à la recherche d’une solution conforme à la morale internationale.
Il va falloir, à présent, rétablir l’autorité de l’Etat en Côte d’Ivoire, veiller à la réconciliation nationale, reconstruire l’économie et exercer la justice avec sérénité. C’est une lourde tâche qui attend le nouveau Président et son gouvernement.
La prolongation de la crise ivoirienne et les désastres humains et matériels qu’elle a occasionnés doivent être l‘occasion d’une réflexion collective sur les enseignements à tirer de cette situation.
Il faut tout d’abord en finir avec l’absolutisme de la loi de la majorité qui n’est pas acceptée en Afrique. Il faut mettre en place une démocratie innovante qui multiplie les plages de consensus et qui ne concentre pas tous les pouvoirs dans la majorité arithmétique.
Il convient ensuite de favoriser les successions tranquilles en assurant aux anciens chefs d’Etat une immunité et un statut financier qui n’incitent pas les gouvernants à s’accrocher au pouvoir.
Il faut enfin bien définir les règles d’une intervention internationale si le besoin s’en fait sentir. En Côte d’Ivoire, elle est intervenue trop tard après dix ans de tolérance des excès de Laurent Gbagbo. Elle ne s’est pas assez appuyée sur les institutions régionales africaines. Elle a donné l’impression de favoriser un des camps en conflit.
Et comme prévenir vaut mieux que guérir, il faut mettre en place des institutions de médiation de haut niveau qui pourraient être les meilleurs remparts contre les guerres et les désordres.
Charles Debbasch