dimanche, décembre 09, 2007

EUROPE AFRIQUE LE SOMMET DE LISBONNE

EUROPE-AFRIQUE JE T’AIME MOI NON PLUS

Il aura fallu sept ans pour que, après Le Caire, s’organise ce second sommet Afrique Europe à Lisbonne. Les obstacles ont été nombreux sur la route et l’absence officielle de la Grande Bretagne en raison de l’invitation adressée à Robert Mugabe, le vieux dirigeant du Zimbawe, a failli faire encore capoter le sommet.

S’il a été maintenu c’est parce qu’il y a urgence: l’Europe prend peur devant l’irruption sur la scène africaine de nouveaux acteurs comme la Chine, le Brésil ou l’Inde sans oublier bien entendu les Etats-Unis Certes l’Europe reste le principal partenaire commercial de l'Afrique Mais, le grignotage de ses positions est très rapide. Aussi, l’Union européenne a adopté une politique audacieuse pour un nouveau partenariat avec l’Afrique.

En apparence ce Sommet est un succès. Les Etats présents ont adopté une déclaration politique affirmant le principe de "l'égalité dans la souveraineté", Huit priorités sont définies: la paix et la sécurité (le avec notamment le soutien aux opérations de maintien de la paix), la gouvernance et les droits de l'homme, le commerce, l’assouplissement des "objectifs du millénaire" (éducation, santé, ...), l'énergie, le changement climatique, le pôle "migration, mobilité et emploi" et la science. Un représentant spécial de l'Union Européenne auprès de l'Union africaine a été désigné pour veiller à l'application de la politique européenne en Afrique.

Mais, sous cet apparent consensus, une grave ligne de fracture est apparue.

Le soutien apporté par les Africains à Robert Mugabe démontre l’irritation de nombreux gouvernants devant les tentatives de l’Union européenne pour définir à la place des Africains des critères de la bonne gouvernance que beaucoup assimilent à une sorte de néo colonialisme.

Hier, la colonisation remettait les rênes du pouvoir aux puissances européennes. Aujourd’hui, l’Europe tendrait à exiger que les dirigeants africains appliquent les partitions définies par les Etats dominants. Une nouvelle génération de dirigeants africains ne se sent plus enchainée par la révérence à l’égard de la vérité européenne Les conditionnalités européennes apparaissent comme des résurgences du colonialisme et les populations africaines se rebellent devant ces immixtions dans leurs affaires.

Le débat s’est concentré à Lisbonne sur la grande mutation des relations commerciales que Bruxelles tente d’imposer à l’Afrique. Nombreux sont les dirigeants africains qui refusent de signer les accords commerciaux de libre échange que Bruxelles leur demande d’accepter avant le 31 décembre. Le risque est en effet que la libre entrée des produits européens ruine les productions locales et prive les Etats africains de recettes douanières qui leur sont nécessaires. Le forcing de l’administration européenne qui cherche à exercer des pressions sur chaque Etat plutôt que de tenter une approche globale avec l’Afrique parait ruiner l’objectif même de la réunion de Lisbonne. Là ou on espérait un dialogue d’égal à égal Europe Afrique, Bruxelles parait tentée par la stratégie du diviser pour régner.

Il y a donc quelques ombres dans le théâtre bien ordonné de Lisbonne.

Charles Debbasch