vendredi, mai 02, 2008

LA REVISION DE LA CONSTITUTION

LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE

Le 23 avril 2008 le gouvernement a donné sa forme définitive au projet de révision de la Constitution. Celle-ci est à présent entrée dans le stade parlementaire qui devrait s’achever par un vote du Congrès. La majorité des 3/5 étant requise, son adoption définitive n’est pas assurée.

POURQUOI CETTE 24EME REVISION CONSTITUTIONNELLE
La Constitution de 1958 a été modifiée à vingt-trois reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers un vote référendaire. Elle comporte actuellement seize titres, cent quatre articles (dont deux transitoires) et un Préambule. Ce dernier renvoie directement et explicitement à trois autres textes fondamentaux : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et la Charte de l'environnement de 2004.
Le Président de la République a, par le décret du 18 juillet 2007, confié à un comité de réflexion, composé de personnalités le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République. Ce comité, présidé par M. Édouard Balladur, a remis ses conclusions le 29 octobre 2007.
Cette vingt quatrième réforme repose sur la volonté du Président de moderniser les institutions. Sa volonté initiale ayant été d’accentuer la présidentialisation du régime, il a en compensation développé le rôle du parlement et renforcé les garanties des citoyens.

LA RENOVATION DU MODE D’EXERCICE DU POUVOIR EXECUTIF
Dés son élection, Nicolas Sarkozy avait souhaité pouvoir s’exprimer devant les Chambres. Le texte lui donne : désormais la possibilité de s’adresser directement aux parlementaires, son allocution pouvant donner lieu, hors de sa présence, à un débat non suivi d’un vote. Cette procédure nouvelle aurait vocation à n’être mise en œuvre que dans des moments particulièrement solennels de la vie de la Nation.
Cette réforme qui court-circuite quelque peu le Premier ministre introduit une certaine ambigüité. Car ,de deux choses l’une, ou le président dispose d’une majorité à l’assemblée et alors sa parole sera redondante de celle du chef gouvernement, soit on se trouve dans une situation de cohabitation et alors le risque existe que les parlementaires soient tentés de mettre en cause le Président malgré son irresponsabilité.

Par ailleurs, le projet de loi limite le nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux .On touche ici du doigt l’absurde institution du quinquennat. Le Président aurait du être autorisé à effectuer deux mandats de sept ans.
Le nombre maximum des ministres figurera désormais dans une loi organique .Cela ne’ parait pas très contraignant, on peut faire confiance à l’imagination juridique pour créer, si le besoin s’en fait sentir, des postes échappant à toute limitation.

Désormais, le pouvoir de nomination du Président de la République à de hautes fonctions sera encadré. Pour certaines des nominations relevant du Président de la République, les emplois ne seront pourvus qu’après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement. Il reviendra à une loi organique de fixer la composition de la commission, de poser le principe de l’audition publique des personnalités pressenties et de préciser la liste des emplois concernés. La procédure s’appliquera aussi, aux membres du Conseil constitutionnel, aux personnalités qualifiées visées à l’article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature par le projet de loi.
Les garanties qui entourent la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution qui donne au Président de la République des pouvoirs exceptionnels en cas de crise d’une extrême gravité sont renforcées. Le texte prévoit non plus seulement la consultation préalable du Conseil constitutionnel, mais aussi la saisine possible de ce dernier par les parlementaires à l’issue d’un délai de trente jours, puis son auto-saisine un mois plus tard et à tout moment au-delà, aux fins de vérifier que les conditions de mise en œuvre de ces pouvoirs sont toujours réunies.
Le droit de grâce ne pourra plus s’exercer à titre collectif. Il n’aura désormais vocation à s’exercer qu’à titre individuel et après avis d’une commission dont la composition sera fixée par la loi.
Sans modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, qui définissent les rôles respectifs du Président de la République et du Gouvernement, l’article 8 atténue l’incohérence que représente l’affirmation de l’article 21, selon laquelle le Premier ministre est « responsable de la défense nationale » alors, d’une part, que le Président de la République est le chef des armées, d’autre part, que le Gouvernement est collégialement responsable de l’ensemble de la politique de la Nation devant le Parlement. La rédaction proposée vise à permettre une clarification des responsabilités dans cette matière.

LA REVALORISATION DU ROLE DU PARLEMENT

Plusieurs dispositions visent à revaloriser le rôle du Parlement.

La mission même de la représentation nationale est complétée : il ne s’git pas seulement pour elle de voter la loi mais aussi de contrôler le gouvernement.

Par ailleurs, les prérogatives du Parlement dans l’exercice de ses missions sont renforcées.

Le texte prévoit l’institution d’un partage de l’ordre du jour entre le Gouvernement et le Parlement : chaque assemblée aura la maîtrise de la moitié de son ordre du jour, deux semaines sur quatre étant réservées à l’examen des textes gouvernementaux et un jour de séance par mois étant réservé à l’ordre du jour fixé par l’opposition.

Sauf procédure d’urgence, la discussion en séance d’un projet de loi en première lecture ne pourra intervenir qu’au bout d’un mois après son dépôt et, dans la seconde assemblée, 15 jours après sa transmission.

Le projet de loi limite les cas de recours à la procédure de l’article 49 alinéas 3 (adoption sans vote) qui ne concernera plus que les lois de finances, les lois de financement de la Sécurité sociale et les lois constitutionnelles. Cette restriction est fortement contestée par la majorité sarkozyste

Le projet constitutionnel renforce également la capacité d’initiative du Parlement avec l’introduction de la faculté de voter des résolutions Par ailleurs, le nombre maximum de commissions permanentes passera de 6 à 8 dans chaque assemblée.

Le projet de loi prévoit par ailleurs l’instauration d’un régime d’autorisation parlementaire pour la prolongation d’une intervention militaire extérieure au-delà de six mois.

Plusieurs dispositions visent à accroitre la représentativité du Parlement. Une commission indépendante, dont la loi fixe les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou à répartir les sièges entre elles.les français établis hors de France bénéficieront désormais d’une représentation à l’Assemblée Nationale et la composition du Sénat permettra la représentation des collectivités locales « en fonction de leur population » par le Sénat.

LE RENFORCEMENT DES GARANTIES DES CITOYENS

Plusieurs dispositions visent à renforcer les garanties des citoyens. Mais leur effectivité dépendra des textes d’application à venir.
La composition du Conseil économique et social sera revue. Il devra faire davantage de place aux organisations non gouvernementales, aux jeunes, notamment aux étudiants, et le cas échéant aux grands courants spirituels. Il pourra, par ailleurs être saisi par voie de pétition citoyenne
De façon très timide est introduite l’exception d’inconstitutionnalité. Les justiciables auront la faculté de contester, par voie d’exception, la constitutionnalité de dispositions législatives déjà promulguées, réserve faite des textes antérieurs à 1958.Mais seules les juridictions suprêmes des deux ordres de juridictions auront la faculté de saisir le Conseil Constitutionnel de l’exception.
Un Défenseur des droits des citoyens, pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ; une loi organique précisera ses modalités d’intervention ainsi que les autres attributions susceptibles, le cas échéant, de lui être dévolues en complément de sa mission constitutionnellement définie. Le périmètre d’intervention sera déterminé selon une approche pragmatique et progressive. Outre celles de l’actuel médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
Enfin, l’article 28 du projet organise la refonte du Conseil supérieur de la magistrature. Le Président de la République cessera d’en assurer la présidence. Pour garantir, outre l’indépendance de l’institution, sa nécessaire ouverture, il est également prévu que les magistrats seront désormais minoritaires au sein du Conseil.

LES INTERROGATIONS DE LA REFORME
Le texte gouvernemental assure, sans contestation possible, une modernisation des institutions. S’il arrive à franchir l’obstacle du vote, il est susceptible de rééquilibrer les pouvoirs.
On remarquera cependant que la révision, partie d’une volonté de présidentialiser le régime politique, aboutit, en fait, en renforçant les pouvoirs du parlement, à en accentuer les tendances parlementaires.
Par ailleurs, les avancées en matière de droit des citoyens restent timides alors que le nœud du problème est là : comment redonner aux citoyens des voies de droit simples et efficaces pour combattre les dérives des pouvoirs publics.

Charles Debbasch