dimanche, juin 14, 2009

INTERNET A ALA CROISEE DES CHEMINS

INTERNET A LA CROISEE DES CHEMINS
La récente décision du Conseil Constitutionnel relative à la liberté de communication par Internet devrait conduire à une réflexion plus globale. On voudrait s’en tenir ici à quelques interrogations fondamentales.
I LES HESITATIONS ENTRE LA LIBERTE ET LES EXIGENCES DU FINANCEMENT
Le secteur de la culture et de l’information hésite toujours entre une ouverture par la gratuité et une restriction d’accès par l’argent. Internet n’échappe pas à cette schizophrénie.
S’agissant de l’accès même à Internet, il est payant .L’usager doit d’abonner à un fournisseur d’accès et ,selon ses moyens contributifs ,cet accès lui sera ouvert plus ou moins largement, plus ou moins rapidement. Il existe donc malgré le principe de liberté une restriction à l’égal accès de tous à Internet. La porte d’entrée est payante et il faut payer plus cher pour la voir s’ouvrir plus largement.
Une fois sur Internet, l’usager se voit offrir des sites gratuits et des sites payants. Nul ne conteste qu’un des modèles possibles de financement de l’Internet consiste à imposer une redevance à l’usager. Pourquoi alors tant de controverses sur la lutte contre les téléchargements pirates ? A l’évidence, la piraterie a toujours quelque chose de séduisant surtout lorsqu’elle s’approprie le concept d’un accès libre et universel à la culture, au divertissement et à l’information.
Mais, enfin, comment échapper à des données fortes simples. Qui va s’occuper de nourrir les créateurs si on donne aux usagers le droit de voler leurs créations ? Le téléchargeur illégal ressemble au lecteur qui entre dans une librairie et vole quelques livres au nom du droit intangible qu’il aurait à se cultiver. En réalité, ceux qui défendent le téléchargement illégal sont des partisans du financement des créateurs par d’autres moyens. Par la publicité pour les plus libéraux, par l’Etat pour les plus interventionnistes.
Il n’existe pas de réponse définitive et universelle à la question du financement. Bien évidemment, il existera toujours des sites à accès gratuit et des sites payants comme il existe des concerts gratuits et des concerts payants. Le principe de liberté de l’internet n’impose pas une exigence de gratuité.

II-LA TRANSFORMATION DES METIERS DE L’INFORMATION
Jusqu’aux développements de l’Internet, la fourniture de l’information obéissait à quelques principes simples.
La collecte et la transmission de l’information étaient le monopole des journalistes. Ceux-ci s’étaient érigés en corporation. La possession de la carte de presse manifestait l’intégration dans cet ordre professionnel.
Il existait d’autre part une séparation absolue des fonctions. Les journalistes communiquaient.les usagers recevaient.
Internet a bouleversé cet univers classique.
Sur internet tout usager est un contributeur en puissance. Il n’existe plus de monopole de l’expression.
Les organes d’information sont contraints de sortir de l’unilatéral. Puisque de toutes façons internet permet à chacun l’expression ou la contestation, il faut ouvrir les portes de l’expression à tous et à chacun.
Bien évidemment cette évolution pose des problèmes nouveaux. L’irruption des « apprentis »dans le journalisme peut donner lieu à des abus. Mais, si ceux-ci doivent être pourchassés, il n’en demeure pas moins que l’évolution est inéluctable. Les journalistes professionnels ont perdu leur monopole. A eux d’être les meilleurs pour garder le privilège d’avoir une audience.

III-LA SOUMISSION DE L’INTERNET AU DROIT
Internet s’est développé comme naguère les radios libres dans un déferlement d’initiatives incontrôlées. Le non droit était la règle. Il faudra s’habituer dorénavant à une régulation d’Internet par le droit.
Toutes les branches du droit sont concernées.
Il faudra par exemple lutter contre les monopoles et les abus de position dominante.
Il faudra éviter que sous le couvert du principe de liberté une anarchie s’installe.
D’ores et déjà la lutte contre la pédophilie s’est imposée comme une des actions nécessaires. De même devront être mieux protégés les droits de la personnalité et notamment le droit au respect de la vie privée
L’idée d’un Internet libertaire et dérégulé aboutit à criminaliser Internet.
Il n’y a pas en revanche de contradiction entre le principe de liberté et la régulation d’Internet par le droit.
Charles Debbasch
CHARLES DEBBASCH EST L’AUTEUR de DROIT DE LA COMMUNICATION (AUDIOVISUEL,PRESSE, INTERNET) EDITIONS DALLOZ